Les gaz de schiste en Estrie

Aux élus de l’Estrie,

 

Depuis quelques mois, le Québec connaît une effervescence concernant l’exploration et l’exploitation potentielle des gaz de schale (ou de schiste) et ses impacts sur le territoire. Cette situation au Québec est attribuable au fait que les percées technologiques des dix dernières années permettent maintenant d’atteindre ces gisements de gaz naturel jusqu’à deux kilomètres de profondeur, qui jusqu’alors étaient inaccessibles.

Actuellement, la vallée du Saint-Laurent, en raison de la présence de la formation des schale d’Utica, fait l’objet d’une importante activité d’exploration de la part de l’industrie gazière. À ce jour, les sept principales entreprises d’exploration au Québec possèdent des droits d’exploration sur une superficie d’un peu plus de 4 500 000 hectares, principalement dans la vallée du Saint-Laurent.

Qu’en est-il de l’Estrie? En mai 2010, deux entreprises détenaient des permis de recherche en gaz et en pétrole sur 360 000 hectares. Ces permis permettent de réaliser des relevés sismiques et des forages, avec l’autorisation du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF). Il est important de rappeler que selon l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, la Loi sur les mines a préséance sur les schémas d’aménagement et les règlements municipaux. Cette situation constitue un irritant majeur tant pour le monde municipal que pour les administrateurs de la CRÉ de l’Estrie, qui feront les pressions nécessaires.

Actuellement, on ne connaît ni la qualité ni la quantité en gaz naturel de la formation géologique propre à la région, l’information disponible pour l’Estrie étant très embryonnaire. Au cours des derniers mois, deux municipalités estriennes ont fait l’objet de relevés sismiques et de forage par

l’entreprise Junex, soit Wotton, dans la MRC des Sources et Saint-Herménégilde, dans la MRC de Coaticook. Les résultats de ces forages n’ont pas encore été rendus publics. Les administrateurs de la CRÉ de l’Estrie déplorent le fait que les municipalités concernées n’aient pas été avisées au préalable par l’entreprise Junex. Des démarches seront effectuées par la CRÉ de l’Estrie auprès des ministères concernés afin que cette situation ne se représente plus.

En analysant une carte de localisation des principaux gisements de gaz de schale en Amérique du Nord, dont celui des schale d’Utica, nous constatons que l’Estrie n’en fait pas partie. À partir des informations obtenues de la direction générale du développement des hydrocarbures du MRNF, la structure géologique estrienne pourrait présenter un certain potentiel pour le gaz naturel, mais l’information disponible ne peut confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Les travaux effectués à travers le continent démontrent que le potentiel à court terme ne se situe pas dans des structures géologiques similaires à celles de l’Estrie. La Conférence régionale des élus de l’Estrie, par le biais de sa Commission régionale sur les ressources naturelles et le territoire (CRRNT) suit de près l’évolution de ce dossier depuis déjà un an et demi. Outre la participation à divers séminaires sur la question, la rédaction d’un portrait traitant de la production énergétique, dans le contexte du Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire, qui aborde, entre autres, les gaz de schale en Estrie, le personnel de la CRRNT a colligé une banque d’information à cet effet.

Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement a entrepris ses consultations publiques dans la vallée du Saint-Laurent et il devrait déposer son rapport le 4 février prochain. Malgré son mandat limité, il est à souhaiter que celui-ci apporte un nouvel éclairage. De plus, le MRNF travaille à la mise en place d’une loi sur les hydrocarbures en 2011 qui devrait apporter des précisions quant à l’encadrement d’une exploitation éventuelle de cette ressource.

À la lumière des informations disponibles et du principe de précaution, il est trop tôt pour prendre position dans ce dossier en Estrie. À ce jour, une dynamique de réflexion s’impose et trop de questions fondamentales restent sans réponse, tant au plan politique, énergétique, environnemental et social. Au plan économique, il existe très peu de données fiables en ce qui a trait au potentiel des schale d’Utica, qui ne sont d’ailleurs pas présents en Estrie, pouvant supporter une véritable industrie et surtout à la rentabilité économique associée à une exploitation future de ses gisements dans la vallée du Saint-Laurent.

Ce manque d’information ne permet pas de tenir un débat éclairé sur la question, notamment en Estrie. Rappelons que la fébrilité de l’exploitation des gaz de schale depuis les dix dernières années dans les six principaux gisements de l’Amérique du Nord, a fait reculer le spectre d’une pénurie de gaz naturel, et par conséquent, son prix est à son plus bas. Dans ce contexte, soulignons que les coûts d’exploration pour chaque puits au Québec sont du double au triple par rapport à l’Ouest canadien et aux États-Unis.

 

Maurice Bernier

Conférence régionale des élus