La réouverture 24/7 des services d’urgences en région, souhaitée par le maire de Martinville

M. François Legault, Premier ministre
M. Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux
Mme Geneviève Hébert, députée de Saint-François
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre, Madame la députée,

Notre système de santé est en crise. La pandémie de COVID-19 l’a mise en lumière et l’a exacerbée. Coincé entre les syndicats, la fonction publique, le corporatisme des médecins et « l’écoeurantite aiguë » du personnel obligé de faire du TSO (expression malheureusement passée dans le langage courant ?!), le gouvernement se voit contraint de mettre en place des plans de contingence qui impliquent des bris de services. Les premiers touchés sont les services de proximité dans les régions. On ferme les services d’obstétrique au Pontiac et à Dolbeau-Mistassini et on restreint les services d’urgence à Windsor, Senneterre, Coaticook,
etc.

Il aura fallu la mort de M. Richard Genest à Senneterre pour constater que le chemin emprunté par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour pallier la crise n’est pas du tout la voie à suivre. L’urgence de Senneterre n’est plus accessible le soir que depuis octobre seulement et nous comptons déjà un décès. Pourtant, les gestionnaires, M. Dubé et M. Legault se sont empressés de clamer haut et fort qu’il n’y avait aucun lien entre la fermeture du CLSC de Senneterre en octobre dernier et le décès de M. Genest :
(…) le premier ministre François Legault et son ministre de la Santé, Christian Dubé, ont répété qu’il n’y avait « aucun lien à faire » entre le décès de M. Genest, la mauvaise desserte ambulancière et la fermeture de l’urgence de Senneterre 16 heures par jour.

« Après consultation avec un médecin, [le coroner] a déterminé qu’il n’y avait pas matière à enquête », a soutenu François Legault lors de la période de questions. Il l’a répété vers midi, lors d’une conférence de presse. M. Dubé, ministre de la Santé en a même rajouté : « Même si c’est un drame, il faut quand même séparer le cas particulier de M. Genest de deux enjeux : la fermeture des urgences la nuit et le service ambulancier », avait lancé Christian Dubé à son arrivée à l’Assemblée nationale. Québec maintient que sa version des faits repose sur celle de la présidentedirectrice générale du CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue,  Caroline Roy. C’est elle qui aurait indiqué au gouvernement que « ça n’aurait pas changé la situation si l’urgence avait été ouverte ». (Le Devoir, 3 décembre 2021). Pourtant le médecin qui a vu monsieur Genest à Amos, a dit à son frère : ‘’5 minutes avant, on l’aurait sauvé’’ (Le Devoir 3 décembre 2021) et…. revirement de situation, une enquête du coroner a été ouverte…

Mais nul besoin d’une enquête, le gros bon sens suffit pour faire un lien direct entre les
événements. Si l’urgence du CLSC de Senneterre avait été accessible en soirée, soit M.
Genest s’y serait rendu par ses propres moyens bien avant d’avoir assez mal pour appeler
une ambulance et il aurait été pris en charge et possiblement envoyé directement à Amos ou
soit, à tout le moins, il aurait pu y être stabilisé avant son périple s’il avait été pris en charge
par les ambulanciers. Et il serait probablement vivant aujourd’hui. Mais vous direz que ce
n’est que spéculation…Peut-être. Mais combien de décès faudra-t-il avant d’agir? Combien de
rapports du coroner?
Je suis de Martinville et de ce fait desservi par le Centre hospitalier de la MRC de Coaticook.
Le drame de Senneterre nous touche directement; l’urgence de l’hôpital autrefois accessible
24/7, est fermée la nuit à compter de 18 h, depuis le 19 octobre.
L’urgence de l’hopital de Coaticook ne dessert pas seulement la population de la Ville de
Coaticook, mais la population de l’ensemble de la MRC – un total de 12 municipalités sur un
territoire de 1355 km², regroupant près de 20 000 habitants.
Martinville étant dans la « couronne nord » de la MRC, nous sommes privilégiés, car nous ne
sommes qu’à 15 minutes de plus pour nous rendre à l’urgence de Sherbrooke. Mais je vous
jure que lorsqu’un enfant peine à respirer en pleine nuit, 15 minutes au lieu de 30, ça fait
toute une différence! Imaginez si vous êtes à St-Venant, East Hereford, Saint-Herménégilde,
Dixville, Barnston-Ouest ou Stanstead-Est? Ajoutez de 30 à 60 minutes à votre trajet. Et on
ne parle pas ici d’attendre l’ambulance, mais de se rendre à l’urgence par ses propres
moyens. Si on ajoute l’ambulance, on peut aisément doubler ce temps d’attente.
Le décès tragique de M. Richard Genest à Senneterre au début du mois ne doit pas avoir été
en vain; il faut prendre conscience de l’importance vitale de préserver les soins de santé de
proximité 24/7.
Il est temps de repenser COMPLÈTEMENT notre système de santé, mais de la base vers le
haut, avec comme objectif de redonner les services de premières lignes à tous les
Québécoises et Québécois, que nous vivions dans les grands centres ou en région. La
centralisation de notre service de santé aura été une erreur monumentale. Il n’est pas
normal que notre système de santé compte pratiquement plus de gestionnaires que de
personnel sur le terrain, mais qu’il n’y ait aucun gestionnaire, sur place, en région (situation à
Coaticook bien avant la fermeture de l’urgence).
Il faut faire preuve de créativité, sortir des sentiers battus, faire table rase des idées reçues,
faire fi des conventions, des champs de pratique protégés, et de toute autre contrainte.
Quelques « suggestions » :
1er – Garder le budget de la santé à son niveau actuel;
2e – Prendre la moitié des cadres/gestionnaires du ministère de la Santé actuel et les
réaffecter au ministère du Temps perdu, jusqu’à leur retraite. Ce sera bien sûr une perte
nette en argent sur quelques années, mais un gain net en productivité et en ressources pour
le terrain. Il va sans dire que pour la moitié des cadres/gestionnaires « restants », une
RÉELLE décentralisation est de mise.
3e – De façon à libérer le plus possible les médecins :
-Élargir le champ de compétence et d’intervention du personnel infirmier, avec leur
scolarité actuelle;
– Élargir le champ de compétence et d’intervention des « supers » infirmières;
– Élargir le champ de compétence et d’intervention des pharmaciens;
– etc.
4e – S’assurer que le personnel terrain bénéficie des meilleures conditions de travail possibles
et ne soit plus jamais soumis au TSO.
À une année des prochaines élections provinciales, la CAQ, qui se targue être le parti des
« régions », a vraiment l’occasion de le démontrer. Le défi est de taille, mais c’est vraiment la
meilleure façon de le prouver.
Mme Hébert, en tant que députée de la circonscription de Saint-François, nous comptons sur
vous pour vous battre bec et ongles pour la réouverture complète 24/7 de l’urgence de
Coaticook, même si cela signifie de ne pas adhérer à la ligne de parti.
M. Dubé, en tant que ministre de la Santé, nous comptons sur vous pour prendre les mesures
nécessaires à la réouverture 24/7 des services d’urgences en région le plus rapidement
possible et pour réunir les hauts fonctionnaires les plus actifs et les plus collaboratifs de votre
ministère pour entreprendre une VRAIE réforme de fond de notre système de santé (incluant
la création du ministère du Temps perdu!).
M. Legault, en tant que Premier ministre, je crois comprendre que l’héritage que vous
laisserez aux générations futures est très important à vos yeux et que vous aimeriez passer à
la postérité. Vous avez ici l’occasion de faire preuve de leadership, et de laisser un legs
vraiment significatif qui fera l’unanimité auprès de Québécoises et des Québécois. Alors qu’un
troisième lien…
D’autant plus que le temps presse, ce n’est plus une question de politique, c’est question de
vie ou de mort.

Michel-Henri Goyette
Maire, Martinville