Témoins «pleins de marde»: le Bloc pousse Drouin à quitter la présidence de l’APF

OTTAWA — Loin d’avoir digéré que le député libéral franco-ontarien Francis Drouin ait qualifié deux témoins qui militent pour la protection du français au Québec de «pleins de marde» et d’«extrémistes», le Bloc québécois distribue maintenant des lettres pour pousser l’élu à démissionner de son poste de président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF).

«Monsieur Drouin s’est disqualifié lui-même quant à son mandat de contribuer au rayonnement de la langue française à l’international en refusant de débattre sereinement du rayonnement du français ici même, au Québec, principal foyer de la langue française en Amérique», mentionne le député bloquiste René Villemure dans ses missives envoyées mardi soir.

Le député de Trois-Rivières, qui est aussi l’un des deux vice-présidents de la section canadienne de l’APF, a envoyé des lettres similaires à l’autre vice-président – le député libéral de la Nouvelle-Écosse Darrell Samson –, aux membres du comité exécutif et une copie aux membres de la section canadienne de l’organisation interparlementaire.

Il s’y désole que M. Drouin ait «injurié grossièrement» le chercheur Frédéric Lacroix et le professeur membre du Regroupement pour le cégep français Nicolas Bourdon lorsqu’ils commentaient des données de Statistique Canada devant le Comité permanent des langues officielles et que l’élu fasse preuve d’«aveuglement volontaire» dans une conversation qui porte sur le déclin du français et la responsabilité du gouvernement fédéral.

Cette conduite et le refus de s’en excuser est «inacceptable et indigne de la fonction de défenseur de la Francophonie», écrit M. Villemure, qui non seulement demande sa démission de la présidence de la section canadienne, mais également qu’il quitte ses fonctions sur la scène internationale, ce qui implique qu’il ne soit plus à la tête de l’organisation. «Je vous invite à y réfléchir», conclut-il.

La prise de bec de lundi a commencé lorsque MM. Lacroix et Bourdon ont expliqué que de fréquenter une université ou un cégep anglophone augmente significativement la probabilité de mener sa vie en anglais. Ils avaient été invités pour commenter une étude portant sur le financement des institutions postsecondaires anglophones au Québec et francophones ailleurs au pays.

Selon M. Drouin, leur explication est trompeuse et les témoins l’ont pris «pour un con» en lui servant «un argument qui ne tient pas debout».

«L’anglicisation, il faut être honnête, ce n’est pas [à cause de] McGill puis Dawson, la faute des gros méchants anglophones de Montréal, que ça se passe. C’est un phénomène qui est international, ça se passe en France aussi», avait-il résumé mardi en entrevue.

M. Drouin, qui avait retiré ses propos immédiatement après les avoir prononcés et qui explique s’être emporté, refuse de s’excuser, mais accepterait néanmoins de le faire «si la personne se sent blessée».

Lorsque le sujet avait rebondi à la période des questions mardi, le premier ministre Justin Trudeau et trois de ses ministres se sont portés à la défense de leur collègue, estimant que le Bloc ne cherche que «les chicanes» et que le gouvernement libéral défendra toujours la langue française.