Résilience au changement climatique: Guilbeault lance une consultation nationale

MONTRÉAL — Le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, souhaite doter les Canadiens d’une stratégie de résilience face au changement climatique et il donnera le coup d’envoi d’une consultation nationale sur le sujet, lundi à Montréal.

En entrevue avec La Presse Canadienne, le ministre Guilbeault a souligné que le plan d’attaque de son gouvernement pour faire face au changement climatique se déploie sur deux fronts, un offensif et l’autre défensif.

L’ensemble des mesures, investissements et réglementations qui figurent dans le plan de réduction des émissions de GES présenté au mois de mars dernier fait partie du front offensif.

Le front défensif, ou la résilience face au changement climatique, représente la stratégie qu’il faut déployer pour limiter les dommages, humains et financiers, et anticiper les impacts des changements climatiques.

«Nous sommes déjà entrés dans l’ère du changement climatique, il y a déjà des impacts au Canada d’un bout à l’autre du pays. Alors comment est-ce qu’on se prépare? Sommes-nous prêts? Clairement, je pense qu’on peut convenir que nous sommes mal préparés», a indiqué Steven Guilbeault en citant les conséquences des inondations, des incendies de forêt et des vagues de chaleur qui ont récemment frappé différentes régions du pays.

Si on considère uniquement l’aspect financier, les dommages assurés attribuables à des phénomènes météorologiques extrêmes au Canada ont atteint 2,4 milliards $ pour l’année 2020, selon la firme torontoise Catastrophe Indices and Quantification.

«Il faut qu’on puisse se doter d’objectifs clairs», a souligné le ministre. 

«Par exemple, un objectif pourrait être que tel pourcentage de la population canadienne soit à l’abri des inondations en 2030, alors on va travailler avec des experts et des partenaires pour définir comment on y arrive.»

Mettre à jour les données

Pour définir combien de Canadiens vivent en zones inondables et combien sont à l’abri de catastrophes, encore faut-il travailler avec des données et des cartes qui sont à jour.

Un récent rapport commandé par Sécurité publique Canada au Conseil des académies canadiennes indique que les gouvernements canadiens prennent souvent des décisions basées sur des données météorologiques incomplètes et des cartes d’inondation obsolètes.

Les conséquences d’utiliser des données périmées peuvent être dramatiques. Par exemple, une municipalité pourrait décider de permettre la construction d’un quartier sur une zone inondable parce que les données qu’elle possède ne sont pas adaptées au changement climatique.

Dans un contexte où le passé n’est plus nécessairement garant de l’avenir, car les événements climatiques extrêmes augmenteront en intensité et en fréquence, il est de plus en plus important d’avoir accès à des données scientifiques fiables.

«Les données sont un élément critique de toute stratégie solide sur l’adaptation au changement climatique», a indiqué le ministre Guilbeault, en ajoutant «qu’agir sans données, c’est comme une poule pas de tête». 

Il a souligné que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle en partenariat avec les provinces et les municipalités pour mettre à jour les nouvelles cartes de zones inondables, mais ensuite «l’information doit être communiquée aux municipalités et les municipalités doivent transmettre l’information aux citoyens».

D’où l’importance, a fait valoir Steven Guilbeault, que tous les niveaux de gouvernements se présentent à la table pour participer au développement de la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique, en insistant sur le mot «nationale».

«On veut jeter les bases de cette stratégie-là qui n’est pas une stratégie fédérale, c’est une stratégie nationale, donc on va travailler de concert avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones, les municipalités et les autres intervenants.»

Le rapport rédigé par le Conseil des académies canadiennes, qui a été publié en janvier dernier, soulignait d’ailleurs qu’une meilleure collaboration entre les municipalités, les provinces et le fédéral est nécessaire pour augmenter la résilience aux catastrophes. La communication des risques climatiques aux citoyens est également déficiente. Par exemple, le rapport «Bâtir un Canada résilient» indique qu’un sondage réalisé en 2016 montre que seulement 6 % des Canadiens vivant dans une zone désignée propice aux inondations étaient conscients de ce risque.

«La stratégie va permettre d’identifier ces enjeux-là puis de s’assurer qu’il y a quelqu’un qui soit responsable, quelqu’un qui lève la main, qui dit « ok, moi je vais prendre ce bout-là » et un autre dit « moi je vais prendre ce bout-là » pour qu’à la fin, il n’y ait pas de trou dans notre stratégie. Je pense que présentement, et je suis le premier à reconnaître, on n’est pas prêt.»

La défense par les milieux naturels

L’une des façons de devenir plus résilient face au changement climatique est aussi de miser davantage sur des solutions basées sur la nature.

Le ministre Guilbeault a cité en exemple le «Grand Parc de l’Ouest», qui deviendra le plus grand parc urbain du pays.

Ce vaste parc qui a reçu un investissement de 50 millions $ du gouvernement fédéral sera situé à Pierrefonds-Roxboro et doit couvrir une superficie de 30 kilomètres carrés. Il serait alors 15 fois plus grand que le parc du Mont-Royal et huit fois plus grand que Central Park à New York.

«L’une des fonctions, je dirais presque première du parc, c’est sa capacité à absorber les crues printanières, donc de limiter les problèmes d’inondation dans ce coin-là du pays. Ce genre de projet-là, on commence à faire ça un peu partout, puis on le finance avec de l’argent d’Infrastructure Canada qui historiquement servait à faire du béton», a indiqué le ministre en précisant que «c’est beaucoup moins cher d’investir dans ces solutions-là que d’essayer d’investir dans des solutions techniques, technologiques».

Les consultations publiques au sujet de la stratégie de résilience face aux changements climatiques débuteront en personne et en ligne la semaine prochaine et le gouvernement souhaite adopter la stratégie dès l’automne.

«C’est certainement ambitieux, mais en même temps, le temps joue contre nous, les catastrophes naturelles, il y en a de plus en plus, alors on a une responsabilité pour bien faire le travail, mais il faut aussi le faire rapidement», a résumé le ministre Guilbeault.