Près de 60 % des Canadiens estiment que la liberté d’expression est menacée

OTTAWA — Un nouveau sondage laisse croire qu’une majorité de Canadiens estime que le droit à la liberté d’expression est en danger.

Le sondage en ligne Léger indique que 57 % des répondants ont dit avoir le sentiment que la liberté d’expression au Canada était menacée.

Parmi eux, 34 % ont affirmé qu’elle était «assez menacée», tandis que 23 % ont déclaré qu’ils considéraient la menace comme sérieuse.

Quelque 36 % ont dit avoir le sentiment que le droit à la liberté d’expression n’était pas en danger, tandis que 7 % ont dit ne pas savoir ou n’ont pas répondu.

L’Alberta est la région du pays où une plus grande proportion des répondants ont dit avoir le sentiment que la liberté d’expression au Canada était menacée, à 66 % – soit 36 % ayant répondu «sérieusement menacée» et 30 % «assez menacée».

Au Québec, la proportion se situait à 54 %, soit 36 % estimant que la liberté d’expression était «assez menacée» et 18 % jugeant qu’elle était «sérieusement menacée».

Par ailleurs, trois Canadiens sur quatre, soit 76 %, ont déclaré qu’ils se sentaient actuellement à l’aise pour exprimer leur point de vue, mais la proportion glissait à 71 % en ce qui a trait à des sujets plus controversés tels que l’avortement, le contrôle des armes à feu et l’immigration.

Léger a interrogé 1610 Canadiens du 26 au 28 avril. Les sondages en ligne ne peuvent pas se voir attribuer une marge d’erreur, car ils n’échantillonnent pas la population de manière aléatoire.

Les sentiments des personnes interrogées sur la question de la liberté d’expression se divisent nettement selon des lignes de fracture politique.

Parmi celles qui ont indiqué qu’elles prévoyaient voter conservateur aux prochaines élections fédérales, 76 % ont déclaré craindre que la liberté d’expression soit en péril au Canada.

Parmi les électeurs libéraux potentiels, 61 % ont déclaré qu’ils ne se sentaient pas menacés dans leur liberté d’expression, tandis que les partisans du NPD étaient divisés à parts presque égales.

Le chef conservateur Pierre Poilievre accuse souvent le premier ministre Justin Trudeau de censurer les opinions qu’il n’aime pas, un argument qu’il a utilisé pour dénoncer le projet de loi sur les préjudices en ligne du gouvernement.

La législation rendrait les sociétés de médias sociaux plus responsables de la protection des utilisateurs – en particulier ceux de moins de 18 ans – contre les comportements nuisibles en ligne, y compris les contenus terroristes et ceux qui peuvent être utilisés pour intimider un enfant.

Le ministre de la Justice, Arif Virani, insiste sur le fait que le projet de loi établit un juste équilibre entre une meilleure protection des Canadiens et le respect du droit à la liberté d’expression garanti par la Charte.

Le projet de loi a également fait l’objet d’un examen minutieux car il propose des sanctions plus sévères pour les délits de discours haineux, notamment en réintroduisant un article de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui permettrait aux personnes de déposer des plaintes contre celles qui publient des discours haineux en ligne.

Alors que les défenseurs des libertés civiles estiment que cette disposition pourrait paralyser la liberté d’expression, les responsables de la justice ont déclaré qu’elle ne s’appliquerait qu’aux exemples extrêmes.

Les résultats du sondage suggèrent que les Canadiens sont divisés sur la question de savoir si la liberté d’expression devrait être limitée.

Quelque 44 % des personnes interrogées ont déclaré que leurs valeurs s’alignent le plus sur l’imposition de limites qui bloqueraient les discours de haine et d’intolérance.

Par ailleurs, 45 % se disent plus proches du point de vue selon lequel la liberté d’expression ne devrait jamais être limitée «afin que toutes les opinions puissent être débattues publiquement».

Un autre 11 % ont déclaré ne pas savoir ou ont refusé de répondre.

Parmi les partisans conservateurs, 60 % se sont déclarés plus favorables à l’absence de limites à la liberté d’expression, tandis que 64 % des électeurs libéraux et 66 % des partisans du NPD ont exprimé la vision opposée.

Questionnées sur la récente augmentation des sentiments haineux, 29 % des personnes interrogées ont imputé la situation au «manque de respect croissant entre les personnes», tandis que 20 % ont cité les réseaux sociaux. Enfin, 13 % des répondants ont cité une «dégradation de la fibre morale» du Canada.