Nouvelles lignes directrices pour la mort cérébrale

MONTRÉAL — De nouvelles lignes directrices développées par une équipe dirigée par un chercheur montréalais viennent préciser le concept de mort cérébrale, ce qui devrait uniformiser la pratique des médecins à travers le monde et faciliter le deuil des familles des patients.

Les Lignes directrices de pratique clinique 2023 établissent une définition harmonisée du décès fondée sur le cerveau et fixent les critères cliniques pour le déterminer, a-t-on précisé par voie de communiqué.

L’arrêt permanent des fonctions cérébrales, caractérisé par l’absence de conscience et de réflexes du tronc cérébral, notamment la capacité de respirer de façon autonome, est la nouvelle définition du décès; elle s’applique à toutes les personnes et à toutes les circonstances.

«La ligne entre la vie et la mort est très importante», a dit le docteur Sam Shemie, un spécialiste des soins intensifs au Centre universitaire de santé McGill.

«Avec tous nos efforts pour sauver la vie, avec les technologies pour supporter la vie, (…) c’est de plus en plus compliqué parce que nous commençons tous ces efforts pour sauver la vie et quand il y a un arrêt des fonctions du cerveau complet et permanent, il faut que ce soit clair et certain. Et le but des lignes directrices est d’éliminer le risque d’erreur diagnostique.»

Les dernières lignes directrices en la matière dataient de 2006. La nouvelle mouture actualise également les critères de détermination du décès en cas de traumatisme cérébral dévastateur ou d’arrêt circulatoire. Ces critères sont essentiels pour assurer la pratique légale et éthique du don d’organes d’une personne décédée, a-t-on rappelé.

Les nouvelles lignes directrices visent aussi à renforcer la confiance et l’intégrité au sein du système de santé et à répondre aux enjeux juridiques et éthiques.

Les critères fondamentaux qui définissent une blessure catastrophique au cerveau ― à savoir, une blessure permanente, irréversible, pour laquelle aucun traitement n’est possible, sans conscience, sans fonction motrice, sans incertitude ― sont pratiquement les mêmes partout à travers le monde, a dit le docteur Shemie.

Ça ne veut pas dire qu’il n’y a aura pas de «variabilité» entre les pays, voire au sein même d’un pays. Des médecins pourront par exemple se demander combien de temps ils doivent attendre après la blessure avant de déclarer le décès, ou quels tests supplémentaires ils devraient prescrire.

C’est cette «variabilité» que les nouvelles lignes directrices cherchent à aplanir, en fournissant un cadre de référence commun à tous les soignants.

D’autant plus que la détermination de mort cérébrale «n’est pas simple», a dit le docteur Shemie.

«C’est quelque chose de compliqué, a-t-il ajouté. Ça prend une liste de vérification pour assurer que les choses sont claires, irréversibles et permanentes. Quand nous disons que quelqu’un est dans un état de mort cérébrale aux soins intensifs, il faut que ce soit clair, qu’il n’y ait pas de risque d’erreur.»

Cette certitude pourrait aussi faciliter le deuil des familles, dont le proche était possiblement en parfaite santé seulement quelques heures plus tôt et qui doit maintenant apprivoiser cette nouvelle réalité.

Le docteur Shemie est particulièrement fier que le comité qu’il a présidé et qui a accouché des nouvelles lignes directrices ait pu compter parmi ses membres quatre individus qui avaient perdu un proche aux soins intensifs.

«Quand une personne nous arrive aux soins intensifs avec une blessure catastrophique au cerveau, nous savons que le risque de mortalité est très élevé, a-t-il dit. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour sauver la vie, mais nous savons que le risque de mortalité est très grand. Mais la famille a besoin de temps pour accepter le fait que le patient va peut-être mourir.»

D’où l’importance pour les médecins, ajoute-t-il, de pouvoir communiquer avec l’entourage du patient dans un langage clair, et pas «avec les mots compliqués de la médecine». Les lignes directrices comprennent donc aussi des conseils pour accompagner la famille avec patience et compassion.

Les chercheurs ont également produit une vidéo bilingue de 90 secondes pour «expliquer la complexité de quelqu’un qui est en état de mort cérébrale», a dit le docteur Shemie.

«Parce qu’une machine qui peut respirer est en place, ça veut dire que le corps peut survivre, mais le cerveau ne fonctionne pas, a-t-il précisé. Et c’est un concept différent du concept traditionnel de mort avec arrêt cardiaque. Le but de toute notre réanimation, c’est de sauver la vie avec la fonction du cerveau.

«Et quand la fonction du cerveau a arrêté complètement, de manière permanente, il faut que nous puissions conseiller la famille avec patience, de manière optimale, pour essayer d’aider la famille à accepter la réalité.»

Ce travail a été réalisé par un groupe multidisciplinaire de 60 personnes, composé d’infirmières et de médecins en soins intensifs (adultes et pédiatriques), de radiologues, de neurologues, de neuro-intensivistes, d’anesthésistes, d’éthiciens, de juristes, de familles de patients, de partenaires publics et de méthodologistes de partout au Canada.

Les nouvelles lignes directrices ont été publiées récemment dans un numéro spécial du Journal canadien d’anesthésie.