Le président Fergus propose des mesures pour mieux filtrer les invités en Chambre

OTTAWA — Alors que la Chambre des communes se demande si elle devrait fonctionner différemment depuis que les parlementaires ont involontairement applaudi, l’automne dernier, un homme qui s’était battu pour les nazis en Ukraine, le nouveau président de la Chambre propose quelques pistes de solution.

Une de ces propositions consiste à enquêter sur la «réputation» de certains invités qui doivent être salués dans l’enceinte de la Chambre, en plus des vérifications habituelles pour déterminer s’ils constituent une menace physique.

Le greffier de la Chambre des communes, Eric Janse, a partagé mardi les suggestions du président, Greg Fergus, lors d’une réunion du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

Plutôt que d’examiner les «risques de réputation» de tous les invités au Parlement, a déclaré M. Janse, on pourrait «vérifier uniquement la réputation de toute personne susceptible d’être saluée dans les tribunes par l’une des personnes s’adressant au Parlement».

Il a déclaré que le président Fergus avait également suggéré aux leaders parlementaires que les informations sur les invités reconnus soient partagées avec tous les partis politiques.

De cette façon, «chacun peut entreprendre ses propres vérifications d’antécédents, s’il le souhaite, avant de partager avec son groupe ou son caucus si cette personne doit ou non être applaudie», a déclaré le greffier Janse.

Les invités ne sont actuellement contrôlés que pour détecter les menaces physiques, et le personnel a rarement le temps de procéder à une analyse approfondie de tous les risques, a-t-il déclaré.

Yaroslav Hunka figurait sur la liste des invités en septembre dernier pour venir entendre dans la tribune du président, en Chambre, le discours du président ukrainien Volodymyr Zelensky, en visite officielle au Canada.

Or, M. Hunka, un Canadien d’origine ukrainienne, avait combattu pour une division de la Waffen-SS pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait d’une unité de volontaires ukrainiens créée par les nazis pour aider à combattre les troupes soviétiques.

Le président de l’époque, Anthony Rota, a assumé l’entière responsabilité pour avoir invité en Chambre le vétéran de 98 ans et l’avoir salué comme un héros, devant la foule, le 22 septembre. Au coeur d’une embarrassante controverse, jusqu’à l’international, M. Rota a démissionné la semaine suivante. Greg Fergus a été élu en octobre pour lui succéder.

Le gouvernement responsable ?

Dans ses excuses, M. Rota a déclaré qu’il était seul responsable de l’invitation et que ni le cabinet du premier ministre ni la délégation ukrainienne n’en étaient au courant. Le premier ministre Justin Trudeau a également présenté ses excuses au nom du Parlement.

La Russie continue de rappeler ce qui s’est passé alors qu’elle tente de faire avancer sa propagande «anti-nazis» visant à légitimer son invasion à grande échelle de l’Ukraine.

«Je pense que je parle au nom de tous les parlementaires en exprimant notre embarras face à cet événement», a déclaré mardi le leader du gouvernement en Chambre, Steven MacKinnon.

«Le premier ministre lui-même a exprimé ses regrets et ses excuses au président Zelensky.»

Les conservateurs continuent de faire valoir que le cabinet du premier ministre est à blâmer dans cette bourde. Ils soutiennent que le gouvernement avait la responsabilité de contrôler les participants à un événement aussi médiatisé.

Mais les libéraux et le greffier Janse, un fonctionnaire non partisan, affirment le contraire.

«Comme cela a fait l’objet de nombreuses discussions, les listes d’invités fournies au bureau du protocole parlementaire ne sont pas partagées avec d’autres partis ou organismes, a déclaré le greffier. Et conformément au principe de l’indépendance du Parlement, ces listes ne sont pas non plus partagées avec le gouvernement.»

Lorsqu’il y a un discours parlementaire commun, les partis et les organismes se voient attribuer chacun un certain nombre d’invitations.

«Jusqu’à présent, nous avons toujours attendu des partis qu’ils effectuent une sorte de vérification de leurs antécédents avant de nous soumettre leur liste», a déclaré M. Janse.

Les listes d’invités sont partagées avec la sécurité parlementaire, qui vérifie les noms dans une base de données et participe à l’accréditation, a déclaré le greffier. 

Mais M. Janse a souligné que les listes ne sont pas examinées pour détecter des menaces à la réputation, «ce qui serait de toute façon difficile à réaliser dans le temps très court disponible pour l’organisation de telles cérémonies».

Patrick McDonell, sergent d’armes et directeur de la sécurité institutionnelle de la Chambre des communes, a d’ailleurs estimé qu’une vérification de la réputation de 500 personnes prendrait des semaines.

«Si j’étais mandaté pour le faire, je n’aurais que les ressources nécessaires pour effectuer une vérification en « code source ouvert »», a précisé M. McDonell mardi. 

Un porte-parole du bureau du président de la Chambre a déclaré que le projet de lignes directrices de M. Fergus pour reconnaître certains invités aux Communes est entre les mains des leaders parlementaires et d’autres agents du Parlement pour consultation.

«Le président Fergus attend avec impatience de recevoir toute recommandation (du comité) sur la façon dont le processus pourrait être amélioré à l’avenir», a déclaré Mathieu Gravel.