Le gouvernement Ford dépose un projet de loi pour «refermer» la Ceinture de verdure

TORONTO — Le ministre ontarien des Affaires municipales et du Logement a déposé lundi un projet de loi visant à restituer des terres à la «Ceinture de verdure», espérant ainsi tourner la page sur un épisode difficile pour son gouvernement — même si la GRC mène son enquête. 

Paul Calandra a indiqué lundi que le projet de loi annulerait le «dézonage» de terres de la Ceinture de verdure décidé par son gouvernement en novembre dernier dans le but d’y construire 50 000 unités d’habitation. Les terres inscrites dans la Ceinture de verdure sont protégées contre tout développement.

Le gouvernement rétablira par ailleurs les anciennes protections prévues par cette Ceinture de verdure. Le projet de loi prévoira aussi que tout changement futur au zonage devrait désormais passer par le pouvoir législatif, et non plus par simple décret de l’exécutif, comme l’avait fait le gouvernement de Doug Ford l’année dernière.

Le gouvernement avait annoncé en novembre 2022 qu’il retirait 15 sites de la Ceinture de verdure pour y permettre la construction de 50 000 unités d’habitation. 

Mais après des mois de protestation publique — et les rapports accablants de la vérificatrice générale et du commissaire à l’intégrité, qui concluaient que le processus avait favorisé certains promoteurs —, M. Ford a annoncé le mois dernier qu’il revenait sur sa décision et il promettait de ne plus retirer des terres de la Ceinture de verdure.

Le ministre Calandra, qui a repris le dossier début septembre après la démission de Steve Clark, emporté par cette affaire, a déclaré lundi qu’il espérait que le projet de loi permettrait au gouvernement d’aller de l’avant.

«Nous avons commis une erreur, je le reconnais, a admis M. Calandra après le dépôt du projet de loi. C’était un processus qui ne pouvait pas être soutenu (…) qui nous a éloignés de ce que nous essayions de faire depuis plusieurs années: faciliter la construction résidentielle pour les gens, de façon plus abordable. Nous voulons recentrer le dossier, le remettre sur les rails.»

Mais la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé il y a quelques jours qu’elle avait ouvert une enquête formelle sur la décision du gouvernement Ford d’offrir certaines terres de la Ceinture de verdure à la construction domiciliaire. Et les oppositions à Queen’s Park ne lâchent pas le morceau, estimant que beaucoup de questions demeurent en suspens dans cette affaire.

En janvier dernier, déjà, la Police provinciale de l’Ontario déclarait qu’elle s’efforçait de déterminer si elle devait ouvrir une enquête formelle; elle a finalement renvoyé l’affaire à la GRC en août dernier, pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts.

Le «groupe des Enquêtes internationales et de nature délicate» à la GRC a finalement annoncé la semaine dernière qu’il avait ouvert une enquête formelle. Cette équipe mène des enquêtes sur des élus relativement à des allégations de fraude, de crimes financiers, de corruption et d’abus de confiance.

Le cabinet du premier ministre a assuré que le gouvernement collaborerait à l’enquête de la GRC et M. Ford a toujours soutenu qu’aucun acte criminel n’avait été commis dans cette affaire.

Des «spéculateurs fonciers» 

La vérificatrice générale a découvert que les promoteurs qui ont eu accès au chef de cabinet Ryan Amato lors d’un événement de l’industrie se sont retrouvés avec 92 % des terrains. Les propriétaires fonciers s’attendaient à voir la valeur de leurs terrains augmenter de 8,3 milliards $, a constaté la vérificatrice générale.

Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, a promis que lui aussi continuerait de chercher des réponses. «Pourquoi le gouvernement a-t-il gaspillé la dernière année et demie à aider une poignée de spéculateurs fonciers à encaisser 8,3 milliards $, au lieu de se concentrer réellement sur la construction de maisons que les gens ordinaires peuvent se permettre?», a-t-il dit.

Le nouveau projet de loi du gouvernement Ford prévoit également une disposition qui protège le personnel de toute responsabilité.

La Ceinture de verdure avait été créée en 2005 par le gouvernement libéral de Dalton McGuinty pour protéger de tout développement les terres agricoles et écologiquement sensibles de la zone élargie du «Golden Horseshoe» — le pourtour ouest du lac Ontario, d’Oshawa à Niagara Falls.

La loi originale de 2005 exige un examen tous les 10 ans, et le ministre Calandra a déclaré que le prochain examen sera mené par «des experts impartiaux et non partisans en matière de conservation, d’agriculture et d’environnement, et comprendra un engagement avec les communautés et municipalités autochtones».

Il appartiendra au comité indépendant de décider s’il convient de prendre en compte les centaines de demandes de dézonage qui se sont accumulées au fil des ans de la part de propriétaires fonciers et de promoteurs, a déclaré le ministre.

Le chef libéral par intérim, John Fraser, citant un article du Globe and Mail, a souligné que le gouvernement progressiste-conservateur avait nommé à la «Greenbelt Foundation», vouée à la protection de ces terres, une femme dont le frère et le mari dirigent une importante entreprise de construction résidentielle.

«Je ne suis pas sûr à quel point j’ai confiance dans un ‘comité indépendant’ nommé par ce gouvernement, a déclaré M. Fraser. 

«La bonne nouvelle pour l’environnement et pour la population de la région du Grand Toronto est qu’il semble que la Ceinture de verdure va revenir là où elle était et je ne pense pas que ce gouvernement y touchera encore un jour. Notre plus gros problème est que ce gouvernement croit qu’il peut donner à de riches initiés bien connectés un avantage sur le reste d’entre nous.»

Le commissaire à l’intégrité a conclu qu’il n’avait aucune preuve que les promoteurs ont été spécifiquement informés que le gouvernement Ford envisageait de dézoner des terres de la Ceinture de verdure, même s’il est «plus probable qu’improbable» que quelqu’un en ait informé l’un des promoteurs.

Le commissaire à l’intégrité estime que ce sont essentiellement les gestes posés par le chef de cabinet du ministre du Logement qui auront permis à certains promoteurs d’être informés en primeur d’un changement potentiel de la position du gouvernement sur la Ceinture de verdure, ce qui a eu pour effet de favoriser leurs intérêts de manière inappropriée.

Le ministre Calandra a également souligné que le gouvernement n’indemnisera pas les promoteurs et qu’il a inclus des dispositions à ce sujet dans son projet de loi.