Langues officielles: la nomination d’Austin «ne fait aucun sens», dit Trudeau

OTTAWA — Le premier ministre fédéral Justin Trudeau a vertement critiqué, mardi, la nomination par le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, de l’ancien ministre Kris Austin au comité de révision de la Loi sur les langues officielles de la province.

«Ça ne fait aucun sens de choisir quelqu’un sur une commission pour protéger les langues officielles, pour protéger le français, qui a démontré tout au long de sa carrière qu’il n’est pas intéressé pantoute à protéger les langues officielles, à protéger le français, à protéger le bilinguisme au Nouveau-Brunswick», a dit M. Trudeau en conférence de presse lors d’un passage dans la seule province bilingue au Canada.

Le premier ministre Higgs a admis vendredi avoir nommé Kris Austin sur le comité du cabinet, lorsque questionné par des journalistes. L’information a eu l’effet d’une bombe chez les francophones, M. Austin étant l’ancien chef de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, une formation politique hostile au bilinguisme dans la province. Le parti propose notamment d’abolir le Commissariat aux langues officielles et le réseau de la santé francophone.

«Je ne veux pas voir un autre conflit dans notre province», a justifié M. Higgs, qui a également, selon plusieurs médias régionaux, dit tenter de trouver un équilibre.

Mardi, le premier ministre Trudeau s’est dit en accord avec l’idée qu’il faille rassembler des gens avec «différentes perspectives» afin de protéger le français dans la seule province officiellement bilingue. «Mais il faut s’assurer que tout le monde sur ce comité veuille vraiment protéger les langues officielles et le bilinguisme», a-t-il poursuivi.

M. Trudeau a précisé que la nomination de M. Austin sera à l’ordre de du jour d’une réunion avec le premier ministre Higgs qu’il devait avoir plus tard en après-midi.

La semaine dernière, la ministre fédérale de Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, avait qualifié la nomination de M. Austin d’«affront» aux francophones et aux Acadiens du Nouveau-Brunswick.

«Nous attendons cette révision [de la Loi sur les langues officielles] depuis maintenant un an. Cette nomination envoie un signal clair — le bilinguisme n’est pas une priorité pour M. Higgs», avait-elle écrit sur Twitter.

La ministre a d’ailleurs signé, aux côtés des cinq autres députés libéraux fédéraux du Nouveau-Brunswick, une missive datée de mardi exhortant M. Higgs à retirer M. Austin du comité.

«(Son) opposition envers le statut bilingue du Nouveau-Brunswick a été démontrée à maintes reprises», peut-on lire dans la lettre découlant d’une initiative de Jenica Atwin, qui préside le caucus libéral du Nouveau-Brunswick.

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) a aussi vivement dénoncé la nomination de M. Austin. 

«En laissant le loup entrer dans la bergerie et en lui donnant sur un plateau d’argent tout le pouvoir de nuisance nécessaire, le Parti conservateur de Blaine Higgs brûle volontairement les ponts avec la communauté acadienne et avec son propre passé», a déclaré par communiqué le président de l’organisation, Alexandre Cédric Doucet.

Selon la SANB, il est clair que «personne au Nouveau-Brunswick ne devrait accepter ça».

Higgs s’explique

Lors d’une conférence de presse avec des journalistes après avoir rencontré Justin Trudeau, M. Higgs s’est engagé à soutenir le bilinguisme et a défendu M. Austin.

«Je pense que si vous deviez interpréter ce que Kris a dit lors de réunions passées, ou dans son rôle passé, (ce n’était pas) contre le bilinguisme officiel, a déclaré M. Higgs. Il a parlé de certaines des nuances et des impacts que cela a sur différentes personnes dans différentes communautés.

«Son point de vue est clair présentement. Ce qu’il croit et son rôle sont très clairs. Il pense que nous pourrons améliorer nos capacités dans les deux langues officielles. Je ne suis pas le moins du monde préoccupé par son point de vue.»

Le premier ministre Higgs n’a cependant pas précisé quelles mesures seraient prises pour améliorer le bilinguisme au Nouveau-Brunswick, sauf pour dire que le ministre de l’Éducation, Bill Hogan, rencontrera des enseignants et d’autres personnes à travers la province au cours des prochaines semaines.