La VG d’Ottawa critique le manque de communications de la police pendant le «convoi»

OTTAWA — La vérificatrice générale de la Ville d’Ottawa conclut que la police municipale n’a pas suffisamment partagé ses renseignements sur les manifestations du «convoi de la liberté» l’année dernière, ce qui a nui à une planification efficace de l’administration municipale.

Dans trois rapports publiés mercredi, la vérificatrice générale a également constaté que le Service de police d’Ottawa (SPO) n’avait pas correctement collaboré avec le Bureau de gestion des mesures d’urgence de la Ville et le service de gestion de la circulation.

Le bureau de la vérificatrice générale Nathalie Gougeon a publié trois rapports qui évaluent comment la Ville et d’autres organismes municipaux, comme la Commission de services policiers d’Ottawa, avaient réagi aux manifestations qui ont paralysé le centre-ville de la capitale fédérale pendant des semaines l’hiver dernier.

Mme Gougeon recommande notamment que la Ville et son service de police officialisent leurs communications et leurs responsabilités afin de mieux se préparer à l’avenir aux manifestations et événements majeurs.

Les manifestants du «convoi de la liberté» sont arrivés à Ottawa à la fin de janvier 2022 et ont été expulsés à la mi-février, après que le gouvernement fédéral a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence.

La vérificatrice générale a découvert que la police d’Ottawa avait contacté certains services de la Ville avant la manifestation, mais pas le Bureau de gestion des mesures d’urgence. Ce bureau municipal a pris contact avec la police le 24 janvier, cinq jours seulement avant l’arrivée de la majorité des manifestants.

«Parce qu’elle n’a pas eu d’avis assez rapidement, la Ville n’a pu entamer les activités concertées de planification que quelques jours avant l’arrivée des manifestants», lit-on dans un des trois rapports.

«Un plan d’une seule page»

Les renseignements partagés avec la Ville étaient par ailleurs «insuffisants» pour permettre une planification efficace, a conclu le bureau de Mme Gougeon. «Dans les jours qui ont précédé l’arrivée du convoi, les directions générales de la Ville ont reçu très peu d’information» de la police d’Ottawa.

Les rapports décrivent comment la police municipale a préparé un plan de gestion de la circulation de 46 pages, basé sur les renseignements disponibles avant l’arrivée de la manifestation – mais un «plan d’une seule page, faisant état des positions des unités policières», a été transmis à l’Unité de la gestion de la circulation de la Ville, le 29 janvier 2022.

Ce défaut de fournir un plan de circulation ou de travailler avec des responsables du transport en commun de la Ville a entraîné une incapacité à planifier et à modifier correctement les itinéraires d’autobus, selon la vérificatrice générale.

La Ville a donc dû «réagir» aux demandes de la police pour gérer la circulation — «par exemple lorsqu’il a fallu installer des murets» —, mais elle n’était au courant d’aucune des communications ou de la prise de décision qui étayaient ces demandes. «L’Unité de la gestion de la circulation jugeait la situation chaotique», a constaté la vérificatrice générale.

«Ce n’est que le 21 février 2022, soit deux jours avant la fin de la manifestation, que le SPO a fait appel à l’expertise de l’Unité de la gestion de la circulation de la Ville et que la Ville a pu prendre connaissance du plan détaillé de gestion de la circulation», lit-on dans l’un des rapports.

La Commission de police

Les trois rapports détaillent également de semblables frustrations à la Commission de services policiers d’Ottawa quant à la façon dont la police partageait des informations liées au «convoi».

Le bureau de Mme Gougeon a constaté que malgré les tentatives d’obtenir les détails opérationnels nécessaires sur ce que faisait la police, l’organe de surveillance civile des services policiers à la mairie ne recevait pas d’informations de manière cohérente.

«Malgré ses tentatives d’obtenir les détails opérationnels nécessaires, on ne lui a pas donné l’information voulue dans les délais, ce qui l’a empêchée de s’acquitter efficacement de ses responsabilités relatives à la surveillance pendant la manifestation du convoi de camionneurs», peut-on lire dans le rapport consacré au rôle de la Commission de services policiers d’Ottawa.

Cette commission municipale n’a reçu de la police des informations sur la manifestation que le 24 janvier – le jour même où le Bureau de gestion des mesures d’urgence de la Ville a contacté le service policier, indique la vérificatrice générale. Or, c’était «après une réunion déjà prévue de la Commission, au cours de laquelle il n’a pas du tout été question de la manifestation».

Et les membres de cette commission municipale «n’ont pas reçu d’information détaillée» sur les priorités de la police, et «il n’y a pas eu non plus de consultation complète». La Commission n’a donc pas pu assumer sa responsabilité, «qui consistait à tenir une consultation sur la mission, les objectifs et les priorités de l’événement», indique le rapport.

Des résidents laissés à eux-mêmes 

Mme Gougeon conclut que l’administration municipale a soutenu le Service de police d’Ottawa tout au long du «convoi», mais elle a identifié de nombreux défis et lacunes de la Ville en matière d’aide aux résidents, de communication avec les conseillers et les services municipaux, ainsi qu’en matière de gestion de la circulation.

Plus de 1600 résidents et propriétaires de commerces et petites entreprises d’Ottawa ont participé à une consultation et partagé leurs expériences. Beaucoup ont exprimé le sentiment d’avoir été abandonnés et ignorés par la Ville, a révélé l’audit.

Plusieurs résidents de la «zone rouge» avaient de la difficulté à accéder à des ressources comme les épiceries, les médicaments et le transport. Alors que la Ville a publié des liens vers des ressources, ce sont les groupes communautaires qui ont pris les choses en main pour aider les résidents, selon un rapport sur la réponse de la Ville.

«Les résidents ont constaté que ces initiatives communautaires leur étaient très utiles pendant cette situation d’urgence. Ils ont eu l’impression qu’aucune de ces initiatives n’était menée par la Ville», lit-on dans un des rapports.

L’audit a révélé que la Ville avait reçu de nombreuses demandes d’intervention au Centre d’appels 3-1-1, mais que bon nombre d’entre elles n’avaient pas été traitées en raison de problèmes de sécurité du personnel. Selon la vérificatrice générale, 229 répondants ont indiqué qu’ils n’avaient reçu aucune réponse ou action suite à leurs demandes. 

«Les résidents ont eu l’impression d’être ignorés et abandonnés par la Ville parce qu’on n’était pas intervenu dans l’application des règlements municipaux et qu’on n’avait pas communiqué avec eux.»

La vérificatrice générale a formulé 35 recommandations sur la façon dont la Ville et la police devraient réagir aux futures urgences, notamment en améliorant la communication avec les conseillers municipaux et en investissant dans un système qui permettrait aux résidents de faire plus facilement des demandes d’intervention.