La future juge à la Cour suprême Michelle O’Bonsawin devant des élus et sénateurs

OTTAWA — Michelle O’Bonsawin, qui est sur le point de devenir la première juge autochtone à la Cour suprême du Canada, affirme que ses expériences de vie en tant qu’Autochtone, Franco-Ontarienne, mère et personne ayant grandi dans une communauté rurale lui seront très utiles au plus haut tribunal.

Elle a souligné qu’elle apportera également à la magistrature des expériences professionnelles en droit du travail, en droit de la santé mentale et à l’égard des principes Gladue, qui obligent les juges à tenir compte des antécédents des Autochtones dans le système de justice pénale.

Mme O’Bonsawin a tenu ces propos lors d’une réunion d’un comité parlementaire à Ottawa mercredi après-midi.

La rencontre de Mme O’Bonsawin avec des députés et des sénateurs était sa première apparition publique depuis que le premier ministre Justin Trudeau a annoncé sa nomination vendredi dernier.

Mme O’Bonsawin est apparue comme terre-à-terre, prête à l’autodérision, disant qu’elle avait l’impression que son parcours était un pari et que son curriculum vitae pouvait paraître étrange par rapport à celui d’autres personnes nommées à la Cour suprême, mais qu’elle a travaillé dur pour arriver là où elle est aujourd’hui. Dans son allocution d’ouverture, elle a nommé des mentors qui l’ont aidée tout au long de son parcours, affirmant qu’elle s’était «tenue sur les épaules de géants».

Elle a dit qu’elle voulait être avocate depuis qu’elle était enfant et espère que son histoire inspirera les jeunes, en particulier les jeunes femmes autochtones. 

«Au secondaire, quand le temps est venu de faire mon choix de carrière, je me suis fait dire comme petite francophone de l’Ontario, que la carrière d’avocate n’était peut-être pas pour moi. (…) Je me suis dit: « regardez-moi bien aller »», a-t-elle aussi fait valoir.

Concernant sa demande pour devenir juge à la Cour suprême, Mme O’Bonsawin a déclaré: «J’ai dû lire mon courriel de soumission environ 10 fois avant d’appuyer sur le bouton d’envoi.» Elle était ravie lorsqu’elle a obtenu une entrevue. «À ce moment-là, je suis redevenue cette fille de neuf ans.»

À 48 ans, elle pourrait potentiellement être à la Cour suprême pendant très longtemps, jusqu’à l’âge obligatoire de la retraite de 75 ans.

Elle a relaté une anecdote sur la façon dont sa propre identité autochtone a été évoquée dans une salle d’audience.

C’était en 2018, le lendemain du jour où le président Donald Trump avait appelé la sénatrice américaine Elizabeth Warren «Pocahontas» pour avoir affirmé qu’elle avait un héritage autochtone.

Alors qu’elle siégeait en tant que juge, elle a entendu un avocat dire à un jeune associé qu’elle était la «Pocahontas du Nord». Elle a décidé de mettre le commentaire au dossier et en a parlé à ses fils quand elle est rentrée à la maison pour leur apprendre à gérer ce genre de problèmes, et à ne pas rester silencieux. 

«L’éducation est la clé»

Mme O’Bonsawin a obtenu une maîtrise en droit d’Osgoode Hall alors qu’elle travaillait au Royal Ottawa Health Group, et elle a terminé un doctorat en droit de l’Université d’Ottawa tout en entendant des affaires à temps plein à la Cour supérieure de l’Ontario.

Mme O’Bonsawin a déclaré que «l’éducation est la clé» lorsqu’il s’agit de former les juges à mieux comprendre les expériences des peuples autochtones lorsqu’ils évoluent dans le système de justice pénale.

Elle a dit qu’elle apporterait ses traditions et son héritage autochtones à la table, ainsi qu’une prise de conscience de l’effet des pensionnats et des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, lors de discussions avec les autres juges de la Cour suprême.

Mme O’Bonsawin a été interrogée sur la façon dont les langues autochtones peuvent être mieux intégrées dans le processus judiciaire, mais n’a pas commenté la question au-delà de dire qu’elle travaille sur ses propres compétences en langue abénakise et croit que des services de traduction adéquats doivent être fournis dans les tribunaux pour les personnes qui parlent des langues autochtones.

En avant-midi, le ministre de la Justice, David Lametti, et le dirigeant du Comité consultatif indépendant sur la nomination des juges de la Cour suprême du Canada, l’ex-premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard Wade MacLauchlan, ont aussi comparu séparément devant les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.

Michelle O’Bonsawin arrive au plus haut tribunal du Canada après avoir été juge à la Cour supérieure de l’Ontario à Ottawa au cours des cinq dernières années. Elle est Franco-Ontarienne, bilingue, et membre abénakise de la Première Nation d’Odanak située à l’est de Sorel-Tracy, au Québec.

«Il est extrêmement important que les peuples autochtones puissent se voir dans ce qui est franchement des institutions coloniales, a déclaré le ministre Lametti au comité. Et qu’ils voient leur participation comme un moyen d’améliorer ces institutions, et une façon d’améliorer le droit canadien.»

L’exigence du bilinguisme anglais-français a souvent été citée comme un obstacle pour les candidats autochtones à la recherche d’un poste à la plus haute cour du pays, mais M. Lametti a repoussé cette notion dans ses remarques aux députés.

«Il n’y a aucun doute qu’il y a des candidats autochtones qualifiés qui parlent les deux langues officielles», a-t-il dit.

«C’est une cour suprême, le plus haut tribunal au Canada. Vous avez toute une carrière pour vous y préparer. Donc, le bilinguisme, en tant que critère pour ce tribunal, je crois fermement qu’il ne devrait pas faire obstacle à la bonne conduite des Autochtones et des non-Autochtones candidats», a-t-il ajouté. 

La session de questions-réponses devait permettre aux députés et aux sénateurs d’en savoir plus sur Mme O’Bonsawin, mais contrairement au processus aux États-Unis, un vote des élus n’est pas nécessaire pour confirmer sa nomination.

Mme O’Bonsawin prendra la place du juge Michael Moldaver, qui doit partir à la retraite le 1er septembre et dont M. Lametti a qualifié les contributions de «monumentales».

La juge O’Bonsawin est notamment spécialisée dans les domaines de la santé mentale, du droit du travail et de l’emploi, des droits de la personne et du droit relatif à la protection de la vie privée. Elle a aussi enseigné le droit des Autochtones dans le cadre du programme de common law de l’Université d’Ottawa et a été responsable du Programme des relations autochtones du Groupe des services de santé Royal Ottawa.