Imam Charkaoui: Trudeau s’en remet à la police pour décider d’intervenir ou non

Justin Trudeau juge les appels à la haine et à la violence qu’aurait proférés un imam de Montréal d’«inacceptables» et d’«antisémites», mais s’en remet aux autorités policières et judiciaires quant à déterminer s’il y a lieu ou non de déposer des poursuites criminelles. 

À la Chambre des communes, mercredi, le premier ministre a été interpellé par le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, sur les paroles qu’aurait prononcées l’imam Adil Charkaoui lors d’une manifestation en appui à la Palestine à la fin d’octobre.

M. Charkaoui, connu pour ses antécédents, aurait prié Dieu de façon non équivoque pour qu’il s’occupe des Israéliens.

«Dieu, charge-toi des sionistes agresseurs, a-t-il déclaré selon une traduction obtenue par La Presse Canadienne. Ô Dieu, assure-toi de n’en laisser aucun.»

Lors de la période des questions, M. Blanchet a demandé à M. Trudeau s’il estimait que le prédicateur avait posé un «geste criminel en vertu du Code criminel en prononçant ces paroles publiquement». 

«Ces paroles sont inacceptables. Ces paroles sont antisémites», a répondu le chef du gouvernement. 

«Ces paroles sont une insulte à la vie et aux espoirs de millions de personnes à travers le monde, incluant des millions de personnes qui ont péri dans l’Holocauste à cause de leur religion juive. Nous allons toujours nous tenir debout contre l’antisémitisme», a-t-il ajouté sans répondre à la question du chef bloquiste. 

Revenant à la charge, M. Blanchet a soutenu qu’à «(sa) lecture, c’est criminel et ça commande une réaction qui répond à un geste criminel». 

«C’est la police et le service des poursuites pénales qui vont prendre les décisions et je compte sur eux pour prendre les bonnes décisions», a soutenu M. Trudeau, après avoir appelé «à encourager les gens à l’écoute, à la compassion» et à «avoir de l’empathie» face «aux défis et aux pleurs de nos voisins».

La veille, François Legault s’est indigné des propos de l’imam. Il est clair qu’il s’agit d’«incitation à la haine, à la violence», a commenté le premier ministre du Québec.

Il a déclaré qu’il se gardait bien de commander une action policière, mais du même souffle, il a suggéré que les forces de l’ordre doivent intervenir.

«Je compte sur les policiers pour faire leur travail bien, il faut qu’ils fassent leur travail. Ce n’est pas à moi de leur dire comment faire leur travail, mais inciter à la violence, ce n’est pas permis.»

Charkaoui se défend

L’imam s’est offusqué des commentaires de M. Legault, dans une vidéo publiée mercredi sur YouTube. 

«Nous ne sommes pas dans une République de bananes. (…) Nous sommes dans un État de droit», a déclaré M. Charkaoui, déplorant que le premier ministre du Québec a suggéré à la police de l’arrêter. 

Dans sa vidéo d’un peu plus de 10 minutes, M. Charkaoui s’est défendu d’avoir tenu des propos haineux ou d’avoir lancé un appel à la violence dans son discours et sa prière au cours de la manifestation.  

«C’était une condamnation claire de la violence, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité exercés par l’armée d’occupation sioniste contre la population de Gaza», a-t-il affirmé. 

«Quant à la prière qui a duré 1 minute et 11 secondes, je m’en remettais à Dieu. J’invoquais Allah pour arrêter le massacre de la population de Gaza», a poursuivi l’imam. 

M. Charkaoui a indiqué n’avoir jamais prononcé le mot «juif» lors de ses prises de parole, ou d’avoir ciblé un «groupe défini par le Code criminel» alors qu’il se référait à un texte religieux au moment de sa prière. 

«J’ai prié Dieu — et j’ai le droit de le faire en tant qu’imam, en tant que musulman — pour que Gaza soit débarrassée de ses agresseurs», a-t-il affirmé. 

M. Charkaoui a déjà été soupçonné de terrorisme par les autorités canadiennes et surveillé pendant neuf ans sans qu’aucune accusation ne soit déposée.

— Avec les informations de Patrice Bergeron