Fin de l’entente entre libéraux et le NPD: «Faites ça», encourage Blanchet

OTTAWA — Le chef bloquiste Yves-François Blanchet encourage le Nouveau Parti démocratique (NPD) à passer de la parole aux actes en considérant que les libéraux ont déchiré leur entente si un projet de loi sur l’assurance-médicaments n’est pas déposé et adopté comme convenu.

«C’est une excellente nouvelle. J’encourage le NPD et le chef du NPD à rester dans cette voie. (…) Je les prends à leur propre mot et je dis: « oui, faites ça »», a déclaré mardi M. Blanchet lors d’une mêlée de presse dans le foyer de la Chambre des communes.

L’entente «de soutien et de confiance» permet au gouvernement de Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir avec l’appui du NPD lors des votes clés.

Ce pacte, a dit M. Blanchet, a «perverti le sens du mandat» qu’ont donné les électeurs en 2021 lorsqu’ils ont maintenu Justin Trudeau à la tête d’un gouvernement minoritaire.

«Ça va obliger le gouvernement à reprendre le processus normal de trouver à chaque fois une formation politique avec laquelle il devra avoir des discussions pour établir une entente allant garantir que les votes qu’il met de l’avant vont passer», a continué M. Blanchet.

Sans indiquer précisément ce qui le conduirait à accorder son appui au prochain budget, M. Blanchet a évoqué le pouvoir d’achat des aînés, la gestion de l’offre, le compte d’urgence pour les entreprises canadiennes.

Mais nous n’en sommes pas là, bien que le temps presse. La date butoir, initialement fixée à la fin de l’an dernier, a été repoussée au 1er mars. Il reste huit jours de séances de la Chambre des communes d’ici là.

Et le NPD est intraitable. Si elle n’est pas respectée, «il y aura des conséquences», a continué de menacer mardi le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, qui considérera que les libéraux auront de facto déchiré l’entente.

«S’ils brisent l’entente, (…) il n’y a aucune garantie qu’on doit appuyer les projets de loi, qu’on doit aider avec le passage des projets de loi», a-t-il dit. Les néo-démocrates pourraient néanmoins continuer de maintenir les libéraux au pouvoir en appuyant le budget.

«Les excuses, ça suffit», s’est impatienté M. Singh. Cela fait «des décennies» que les libéraux répètent «les mêmes excuses», a-t-il déploré, eux qui promettaient il y a «30 ans» une assurance-médicaments.

En matinée, de nombreux ministres ont tour à tour assuré aux journalistes que les discussions entre partis progressent. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a même assuré avoir confiance qu’«on trouvera une solution».

Sans répondre directement à une question quant à la taille que pourrait réalistement avoir le programme et la façon dont cela se traduirait sur le déficit alors qu’Ottawa lutte contre l’inflation, Mme Freeland a noté que ces éléments correspondent à ses «principales considérations fiscales et économiques».

À cette idée, M. Singh a répondu n’avoir jamais réclamé que le coût d’un tel programme soit inscrit au budget qui sera présenté dans les prochains mois, contrairement au «spin» des libéraux. «Vous ne pouvez pas continuer de briser vos promesses», a-t-il soupiré.

Payeur unique

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a cependant évoqué qu’«en privé» les néo-démocrates pourraient être en train de faire «des demandes qui sont déraisonnables».

Appelé à commenter, M. Singh a assuré que ce n’était pas le cas. Il a également confirmé que le NPD exige un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique.

Et c’est justement le modèle «à payeur unique», par opposition à un modèle public/privé à payeurs multiples, qui semble être le principal point d’achoppement dans les négociations.

Le NPD «interprète» qu’un régime universel – soit ce qui est inscrit dans l’entente – signifie qu’il soit à payeur unique, a déclaré son porte-parole en matière de santé, le député Don Davies, à son arrivée à la période des questions.

«Les libéraux ne semblent ne pas vouloir s’engager à ce qu’il soit à payeur unique. Nous insistons que cela est une pierre angulaire de notre programme», a dit M. Davies.

Ce modèle d’un régime «public, universel et à payeur unique» est celui que recommandait le Conseil consultatif du Canada sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments en 2019. Selon le NPD, c’est aussi le système le plus économique tant pour la population que les gouvernements provinciaux et fédéral.

Aux premières loges des discussions avec le NPD, le ministre de la Santé, Mark Holland, ne s’est pas entretenu avec la presse parlementaire. Son équipe a indiqué qu’il se trouve aux Territoires-du-Nord-Ouest. Par le passé, M. Holland a souvent évoqué la nécessité pour le gouvernement d’être prudent sur le plan financier.

Le leader en Chambre des libéraux, Steven MacKinnon, a affirmé que les libéraux et néo-démocrates sont «assis à la même table» quand une journaliste lui a demandé si c’était le cas, étant donné la perception aux antipodes que les deux partis véhiculent quant à l’avancée des discussions sur l’assurance-médicaments.

«Je peux vous affirmer que, tant du côté des ministres concernés que de mon côté quant aux opérations de la Chambre des communes, les discussions et les pourparlers vont bon train», a-t-il dit.

Le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a affiché la même confiance. «Je ne peux pas parler pour le NPD, mais je peux quand même parler comme membre du comité de suivi de l’entente et je vous dirais que, de façon générale, les discussions avancent», a-t-il dit.

M. Rodriguez a, au passage, mentionné que «personne n’a le goût d’aller en élections», lorsque questionné sur la possibilité que le gouvernement tombe sans entente avec le NPD.

Même son de cloche du côté du ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, qui a lancé que les néo-démocrates devraient écouter la population.

«On a fait de belles choses ensemble. Puis je pense que, présentement, il y a encore des choses qu’on peut faire ensemble qui correspondent aux besoins qui sont exprimés par les Canadiens et les Canadiennes», a-t-il conclu.

– Avec des informations d’Émilie Bergeron