Des milliers d’opposants manifestent contre le projet de loi 96 à Montréal

MONTRÉAL — Plusieurs milliers d’opposants ont manifesté samedi contre le projet de loi 96 dans les rues du centre-ville de Montréal.

Empruntant la rue Sainte-Catherine sur une grande partie de leur parcours, ils ont marché du cégep Dawson jusque devant le bureau du premier ministre François Legault, deux kilomètres plus loin. Ils ont réclamé le retrait du projet de loi, qui vise à renforcer la Charte de la langue française, afin de protéger les droits des anglophones, des allophones et des Autochtones. 

Les manifestants ont scandé «Mon cégep, mon choix». Certains brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire par exemple: «je ne suis pas un citoyen de seconde classe».

Le projet de loi devrait être adopté au cours du mois. Si adoptée, la loi imposera des restrictions plus sévères pour les lieux de travail et les municipalités.

La future loi limitera l’emploi de l’anglais dans les tribunaux et les services publics, renforcera les pouvoirs de saisie et de perquisition de l’Office de la langue française et instaurera un plafond d’inscriptions pour les cégeps anglophones. Les étudiants devront y suivre un plus grand nombre de cours en français.

Plusieurs membres éminents de la communauté anglophone ont fait le déplacement. On a notamment aperçu des députés libéraux fédéraux et provinciaux, dont la cheffe du PLQ, Dominique Anglade.

L’ancienne députée fédérale Marlene Jennings a affirmé que le projet de loi 96 «brisait le contrat social» au Québec. De son côté, le doyen de la faculté de Droit de l’Université McGill, Robert Leckey, a soutenu que la mesure législative «faisait peu de cas» des restrictions constitutionnelles.

«L’utilisation de l’anglais et du français devant les tribunaux de cette province, c’est inscrit dans la Constitution. L’emploi de l’anglais devant une cour québécois signifie qu’il faut de juges qui comprennent cette langue, a-t-il lancé aux manifestants. Nos élus peuvent-ils adopter des lois dont ils savent qu’elles ne pas constitutionnelle ?»

«Non!», a répondit la foule.

À l’instar de la plupart des orateurs, M. Leckey s’est adressé à la foule dans les deux langues.

Russell Copeman, le directeur général de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec, se dit partisan des efforts du gouvernement de promouvoir et de protéger le français, mais il juge le projet de loi 96 «discriminatoire». 

«On constate le haut degré d’anxiété et de frustration plutôt remarquable de la communauté anglophone», a-t-il lancé.

Des Autochtones s’inquiètent aussi des conséquences du projet de loi.

La grande cheffe du Conseil mohawk de Kahnawake, Kahsennenhawe Sky-Deer, a déclaré que l’obligation pour les jeunes Autochtones d’apprendre une troisième langue — le français — avait un arôme colonial. Cela imposerait des obstacles à leur voie vers le succès.

«Tenter d’encourager les jeunes d’apprendre une langue autochtone est déjà difficile en soi, a-t-elle souligné au cours d’un entretien téléphonique. Nous voulons toujours encourager nos jeunes à atteindre les étoiles. Ils veulent être médecins, avocats, infirmiers. Les ordres professionnels exigeront des connaissances très strictes du français.»

Les opposants ont été accueillis devant le bureau du premier ministre par une pognée de contre-manifestants. Armés de guitares et de tambourines, ceux-ci leur ont chanté des airs de Jean Leloup et de Gilles Vigneault. Ils ont crié «vive le Québec» et «vive le français» entre chaque chanson. 

Manifestants et contre-manifestants brandissaient des drapeaux fleurdelisés.