Des enseignants comptent désobéir à une loi en Saskatchewan

REGINA — Plusieurs dizaines d’enseignants comptent ne pas obéir à la Loi sur la Déclaration des droits des parents adoptée en Saskatchewan.

La loi, adoptée en octobre, empêche les enfants de moins de 16 ans de changer de prénom ou de pronom à l’école sans le consentement de leurs parents. Le gouvernement Moe a invoqué la disposition de dérogation qui permet aux gouvernements de passer outre certains droits garantis par la Charte des droits et libertés pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans.

Plusieurs dizaines d’enseignants ont signé une pétition en ligne affirmant que la nouvelle loi contrevient aux droits d’une minorité d’élèves. Ils demandent aux conseils scolaires de ne pas appliquer la loi dans les écoles. Selon eux, celle-ci met en danger les élèves LBGTQ+, car elles pourraient les obliger à déclarer leur identité de genre ou leurs enseignants pourraient ne pas les identifier de façon correcte.

«Nous allons continuer de donner aux élèves leur autonomie sur leur identité. Nous allons les laisser déterminer qui doit être au courant de leur identité de genre», peut-on lire dans la pétition. 

Parmi les signataires figure Alex Schmidt, une enseignante d’une école publique de Regina, qui se dit prête à subir les conséquences de sa désobéissance.

Mme Schmidt préfère se préoccuper de la sécurité de ses élèves dont l’orientation de genre est différente. «Ma façon de réagir [quand un élève lui fait part de son identité de genre] a toujours été de dire: ‘merci de partager cela avec moi’ et ensuite de demander à cet élève comment je pouvais l’aider», raconte-t-elle à La Presse Canadienne. 

En agissant ainsi, l’enseignante croit qu’elle respecte les droits des parents. «Si l’enfant me demande mon soutien et de ne pas partager cette information jusqu’à ce qu’il trouve une façon de le faire, alors c’est comme ça que je vais l’appuyer.»

Le ministère de l’Éducation de la Saskatchewan n’a donné aucune précision si d’éventuelles sanctions contre des enseignants qui désobéiraient à la loi. Il dit s’attendre à ce que tous les enseignants la respectent. Le ministère collabore avec les conseils scolaires pour la mettre en œuvre.

Quatre-vingt-dix-huit personnes avaient signé la pétition en date de jeudi. Certains noms ne figurent pas sur la liste publiée puisque des signataires ont requis l’anonymat.

Le porte-parole de la pétition, un professeur d’une école de Regina, dit que les organisateurs ont constaté que 70 des 98 signataires étaient bel et bien des enseignants de la Saskatchewan. La plupart d’entre eux enseignent à Regina ou à Saskatoon.

Ce porte-parole, qui craint de perdre son emploi, a demandé de ne pas être nommé dans cet article. Il dit que d’autres enseignants ne savent pas encore ce qu’ils vont faire.

Mme Schmidt constate que l’effectif du club accueillant transgenres et cisgenres a beaucoup diminué depuis l’adoption de la loi. «Ceux qui sont restés ont une vision très passionnée de ce qui est en train de se passer. La désaffection est attribuable à la crainte de ne pas savoir qui, parmi les enseignants de leurs écoles, sont leurs alliés.» 

Les différentes divisions scolaires de la province sont en train de réviser leurs propres directives.

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi, la division scolaire de Regina permettait aux élèves de choisir le nom ou le pronom par lequel on pouvait leur parler. Elle est en train de réexaminer ses directives.

Un porte-parole de la division a indiqué que tous les enseignants seront avisés si des changements sont faits.

«Si la direction de la division scolaire de Regina est encline à faire les changements nécessaires réclamés par la nouvelle loi, notre engagement à offrir un environnement accueillant, équitable, inclusif et sûr à tous les membres de notre collectivité scolaire ne changera pas», a déclaré Terry Lazarou.

Jennifer Lyons, une porte-parole de la division scolaire de Saskatoon, dit avoir eu des conversations avec des enseignants et des administrateurs au sujet d’une mise à jour des directives concernant les noms et les pronoms.

«Tout problème avec la mise en œuvre [de la loi] sera discuté à l’échelle de l’école», mentionne-t-elle.

Un porte-parole pour les divisions scolaires catholiques de Regina et de Saskatoon dit que la mise en place des nouvelles règles était en cours.

Le Saskatchewan Professional Teachers Regulatory Board, qui examine les plaintes contre les enseignants, a refusé de commenter, tout comme la Fédération des enseignants de la Saskatchewan et l’Association des conseils scolaires.