Deep Sky sur le point de lancer plusieurs projets de captage de carbone au Québec

MONTRÉAL — L’homme d’affaires québécois Frédéric Lalonde veut accélérer l’essor de l’industrie du captage de carbone pour éviter la catastrophe climatique.

Son entreprise Deep Sky serait sur le point de conclure une ronde de financement «d’entre 75 millions $ et 100 millions $» et a identifié «six à sept» sites pour développer des projets au Québec afin de tester la technologie de captage et d’enfouissement du carbone, explique M. Lalonde en entrevue, lundi, en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal.

Habituellement, une entreprise en démarrage ne multiplierait pas les projets afin de gérer son risque, mais l’urgence climatique rend nécessaire une augmentation de la prise de risque, répond celui qui est aussi le grand patron et cofondateur de l’application de voyage Hopper.

«On essaie de s’assurer que, dans les cinq à dix prochaines années, on fasse ce qu’on aurait dû faire dans les trente dernières, ce qui veut dire qu’on prend des risques, mais on doit aussi bâtir quelque chose d’assez gros pour voir: où sont les problèmes, quels sont les coûts?»

De son propre aveu, M. Lalonde reconnaît que l’industrie du captage de carbone n’est pas encore prête à retirer à grande échelle ce gaz à effet de serre de la planète. Des questions subsistent sur la façon de le faire efficacement et à un coût viable. 

«Le problème, c’est que même si quelqu’un me disait: « On va te donner un milliard de dollars », je ne sais pas quoi (faire). Ça n’a jamais été mis en opération. Il n’y a que trois réacteurs qui roulent en ce moment en plus d’un site en Islande. On n’a pas les données. On ne sait pas combien d’énergie (ça prend). On ne connaît pas les effets de la température, de l’humidité.»

L’entrepreneur espère que les projets pilotes de Deep Sky déboucheront sur une capacité de stockage à plus grande échelle.  «Je m’attends à ce qu’on capture quelques milliers de tonnes l’an prochain. Puis là, je voudrais être dans les 100 000 à travers de vingt-quatre mois.»

«Refroidir la planète»

Graphiques à l’appui, M. Lalonde a mis en garde son auditoire sur les conséquences dévastatrices du réchauffement climatique, notamment sur l’agriculture. La transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne seraient pas suffisantes pour éviter le pire.

La catastrophe ne pourrait être évitée qu’en enlevant du CO2 de l’atmosphère, prévient-il. «On va devoir refroidir la planète. On va devoir redescendre la concentration (de CO2).»

Pour y parvenir, Deep Sky veut capter le carbone dans l’air et l’océan pour ensuite le transporter vers un site où il pourrait être injecté sous terre. «En principe, il (le CO2) devrait rester sous terre perpétuellement, mais on parle au moins d’une garantie de mille ans, avance l’homme d’affaires en entrevue. C’est très différent de dire: « je vais planter un arbre qui va peut-être pousser, peut-être pas »».

La géologie est le principal défi technique pour l’industrie du captage, croit M. Lalonde. «Je peux trouver une place qui fait du café à Berlin à partir de mon téléphone cellulaire à Montréal, mais je ne peux pas savoir ce qu’il y a à dix mètres sous nos pieds en ce moment. Il y a vraiment un problème d’information autour de ça. On connaît mal les structures géologiques pour le stockage.»

La place du Canada

Le Canada pourrait devenir «l’Arabie saoudite du captage du carbone». Les sources d’énergie renouvelable ainsi que la présence sur son vaste territoire de formation géologique favorable à l’enfouissement du carbone lui donnent les outils pour se démarquer, croit M. Lalonde. 

Il affirme que Deep Sky suscite l’intérêt d’Ottawa et de Québec. Le gouvernement provincial, par le biais d’Investissement Québec, a déjà manifesté un intérêt pour la mission de Deep Sky en injectant 5 millions $ dans une première ronde de financement de 10 millions $. L’idée était de financer la recherche sur les technologies disponibles.

M. Lalonde affirme qu’une prochaine ronde de financement devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année pour lever entre 75 millions $ et 100 millions $ de capitaux. L’homme d’affaires dit avoir bon espoir d’obtenir un appui financier de Québec et du fédéral ainsi que d’investisseurs du secteur privé.

Obtenir un bloc d’énergie est un défi pour tout projet industriel qui veut prendre son essor au Québec, tandis qu’Hydro-Québec envisage la fin des surplus pour 2027.

L’homme d’affaires croit que Deep Sky saura convaincre le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) de la pertinence de son projet. «On ne serait pas ici si ce n’est pas le cas.»

Un des atouts des usines de captage de carbone est qu’elles pourraient s’ajuster aux périodes de pointe qui saturent le réseau d’Hydro-Québec, notamment l’hiver.

«On peut facilement imaginer une infrastructure de retraite de carbone qui fonctionne à plein régime la nuit l’été et qu’au fur et à mesure qu’on a besoin d’énergie pour l’industriel, pour le résidentiel, on diminue la capacité de capture. (…) Quand on a présenté ça comme ça au MEIE, on a commencé à ouvrir des portes.»