Bloc et NPD réprimandent le PDG de Suncor devant un comité parlementaire

Les conservateurs se sont portés à la défense du PDG de Suncor, lundi, alors que le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont questionné avec insistance Rich Kruger sur ses récentes déclarations controversées et sur sa volonté de réduire l’empreinte carbone du géant des sables bitumineux.

Selon le PDG de Suncor, Rich Kruger, tenter de limiter ou plafonner la production de pétrole au Canada pour combattre la crise climatique est un coup d’épée dans l’eau.

«Si on choisit de produire moins de barils, le monde ne va pas consommer moins de pétrole», a-t-il indiqué lors de sa comparution devant les membres du Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes.

Le PDG du géant du pétrole a été invité par ce comité après avoir déclaré aux actionnaires en août qu’il était nécessaire de recentrer l’entreprise sur ses activités pétrolières et de réduire l’accent mis sur la transition vers des sources d’énergie à faibles émissions.

Questionné par des députés des principaux partis politiques, il a toutefois mentionné lundi que ses récents commentaires avaient été mal interprétés, que son entreprise continuera d’investir dans le secteur des énergies renouvelables et qu’elle est toujours déterminée à décarboner sa production d’ici 2050.

Le Bloc accuse le PCC d’être le lobby du pétrole

Pour arriver à décarboner la production de pétrole, Suncor et les autres pétrolières canadiennes misent sur des technologies de capture du carbone.

Le PDG de Suncor compte sur l’aide financière du gouvernement fédéral et de certaines provinces pour les développer, car ces technologies ne seront pas rentables, selon lui, sans l’aide gouvernementale.

«Les coûts associés à décarboner le secteur gazier et pétrolier sont énormes, on parle de 24 milliards $ en investissement. À qui allez-vous refiler ces factures- là, aux consommateurs?», a demandé le député bloquiste Mario Simard à Rich Kruger.

«Ça dépend. Est-ce que ça ajoute un coût? Absolument, mais est-ce qu’on peut trouver une façon de compenser ce coût pour maintenir la compétitivité? C’est ça la question», a répondu le PDG de Suncor.

Le député bloquiste a remis en question la volonté du PDG de Suncor de réellement décarboner son entreprise et il a également demandé à Rich Kruger si celui-ci était d’accord avec le nouveau Règlement sur les combustibles propres, qui exige que les fournisseurs de combustibles fossiles réduisent progressivement l’intensité en carbone de leur produit.

«Je n’ai pas étudié la réglementation au cours de mes six mois de travail ici, mais nous respectons tous les règlements», a déclaré Rich Kruger.

Mario Simard lui a répondu que soit il ne se souciait pas suffisamment du changement climatique pour prêter attention à la réglementation, soit il était un mauvais gestionnaire.

Rich Kruger a rétorqué en disant qu’il était au courant des réglementations, mais qu’il ne les avait tout simplement pas examinées en détail.

Cet échange corsé au cours duquel le député bloquiste a laissé entendre que l’industrie pétrolière pouvait faire de l’écoblanchiment a provoqué la réaction de la députée conservatrice Shannon Stubbs, qui a coupé la parole à Mario Simard en indiquant que celui-ci ne semblait pas faire la différence entre les émissions de gaz à effet de serre produites en amont, lors de l’extraction du pétrole, et celles produites lors de la combustion.

«Le jour où les conservateurs arrêteront de se comporter comme des lobbyistes de l’industrie fossile, ils pourront parler», a indiqué Mario Simard au président du comité, le libéral George Sahal, qui a rappelé à l’ordre les membres.

Un peu plus tôt, la députée conservatrice Shannon Stubbs avait également tenté d’empêcher le député néo-démocrate Charlie Angus de poser certaines questions à Rich Kruger, qui a été vice-président d’Exxon, avant son embauche par Suncor.

«Quelle est la part de responsabilité que votre entreprise est prête à prendre» pour les impacts des changements climatiques au Canada, a demandé Charlie Angus en indiquant qu’Exxon a longtemps caché au public qu’elle connaissait le lien de causalité entre la production de pétrole et la crise climatique.

«Peut-on rester sur le thème de la motion du jour?», a alors demandé la conservatrice au président du comité.

Charlie Angus a poursuivi sur le même sujet, en soulignant notamment qu’à l’époque où Rich Kruger était vice-président d’Exxon, l’entreprise avait publié un communiqué indiquant qu’il n’était pas nécessaire de poser des actions pour contrer la crise climatique et que «le réchauffement climatique réduira le taux de mortalité».

Rich Kruger s’est défendu en indiquant: «si vous voulez parler d’Exxon, je ne peux pas vous répondre, car je ne travaille plus pour eux».

Après l’intervention de Charlie Angus, le député conservateur Jeremy Patzer a demandé pardon au PDG de Suncor, au nom des Canadiens.

«Je voudrais m’excuser au nom des Canadiens pour le temps que vous perdez ici aujourd’hui», a-t-il dit.

Selon le député libéral de Calgary-Skyview, George Chahal, qui a récemment été élu président du Comité des ressources naturelles, cette rencontre avait pour but d’apporter une certaine clarté sur les plans de Suncor et les récents propos de son PDG. 

Nature Québec réagit

Après la comparution du PDG de Suncor devant le comité, l’analyste climat-énergie chez Nature Québec, Anne-Céline Guyon, a déclaré qu’il  est clair qu’on ne peut pas faire confiance à l’industrie pour se responsabiliser.

«Pour ceux qui en doutaient encore, c’est clair, les pétrolières le disent textuellement, elles prévoient une augmentation de la production pétrolière et gazière au Canada», alors «que la science nous montre qu’il faut arrêter de brûler des énergies fossiles le plus rapidement possible».

Pour Nature Québec, «le témoignage (du PDG de Suncor) montre à quel point il est important d’imposer une réglementation ferme» concernant les émissions du secteur pétrolier.

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, doit publier plus tard cet automne un projet de règlement fixant un plafond pour les émissions de gaz à effet de serre provenant du pétrole et du gaz, puis réduisant ce plafond au cours de la prochaine décennie.

L’industrie pétrolière et gazière représente plus du quart des émissions totales du Canada et le pays ne peut pas atteindre ses objectifs climatiques sans des réductions significatives des émissions du secteur d’ici 2030.