Paul Rusesabagina, qui a inspiré «Hotel Rwanda», devrait être libéré de prison samedi

KIGALI, Rwanda — Le gouvernement rwandais a commué la peine de Paul Rusesabagina, qui avait inspiré le film «Hotel Rwanda» pour avoir sauvé des centaines de compatriotes du génocide, mais qui a été des années plus tard reconnu coupable d’infractions de terrorisme, lors d’un procès largement dénoncé.

La porte-parole du gouvernement, Yolande Makolo, a déclaré vendredi à l’Associated Press que la peine de 25 ans de prison avait été commuée par ordonnance présidentielle après une demande de clémence. Mme Makolo a ajouté que selon la loi rwandaise, la commutation de la peine n’«éteint» pas la condamnation.

M. Rusesabagina, âgé de 68 ans, un résident américain détenant aussi la citoyenneté belge, devrait être libéré samedi, a déclaré Mme Makolo. Dix-neuf autres personnes ont également vu leur peine commuée.

Toute cette affaire avait été décrite par les États-Unis et d’autres pays comme injuste. M. Rusesabagina avait disparu en 2020 lors d’une visite à Dubaï et il est réapparu quelques jours plus tard au Rwanda, menottes aux poings. Sa famille a allégué qu’il avait été enlevé et emmené au Rwanda contre son gré pour y être jugé.

M. Rusesabagina a été par la suite reconnu coupable de huit chefs d’accusation, notamment d’appartenance à un groupe terroriste, de meurtre et d’enlèvement. Mais les circonstances entourant son arrestation, son accès limité à une équipe juridique indépendante et l’aggravation de son état de santé ont suscité l’inquiétude internationale.

Paul Rusesabagina a affirmé qu’il avait été arrêté en représailles à ses critiques du président Paul Kagame sur les violations présumées des droits de la personne au Rwanda. Le gouvernement Kagame a nié à plusieurs reprises avoir ciblé des voix dissidentes avec des arrestations et des exécutions extrajudiciaires.

Dans une lettre signée à Kagame datée du 14 octobre et publiée sur le site Internet du ministère de la Justice, M. Rusesabagina a écrit: «si j’obtiens une grâce et que je suis libéré, je comprends parfaitement que je passerai le reste de mes jours paisiblement aux États-Unis (…) Je peux vous assurer par cette lettre que je n’ai aucune autre ambition personnelle ou politique. Je laisserai derrière moi les questions concernant la politique rwandaise».

Il a hébergé un millier de Tutsis

On doit à Paul Rusesabagina d’avoir hébergé plus de 1000 Tutsis de souche dans l’hôtel qu’il dirigeait pendant le génocide rwandais de 1994, au cours duquel ont été tués plus de 800 000 Tutsis et des Hutus qui tentaient de les protéger. Il a reçu pour ses efforts la médaille présidentielle américaine de la Liberté.

Le film «Hotel Rwanda» (2004), avec Don Cheadle dans le rôle de Rusesabagina, raconte cet épisode.

M. Rusesabagina est devenu un critique public du président Kagame et a quitté le Rwanda en 1996, vivant d’abord en Belgique puis aux États-Unis.

L’organisme «Human Rights Watch» a soutenu qu’il avait été enlevé et emmené au Rwanda. Mais le tribunal a statué qu’il n’avait pas été kidnappé lorsqu’il a été amené à embarquer sur un vol nolisé.

Il a été accusé de soutenir la branche armée de sa plateforme politique d’opposition, le Mouvement rwandais pour le changement démocratique. Le groupe armé a revendiqué une partie des attaques de 2018 et 2019 dans le sud du Rwanda au cours desquelles neuf Rwandais ont trouvé la mort.

M. Rusesabagina a témoigné au procès qu’il avait aidé à former le groupe armé pour aider les réfugiés, mais a déclaré qu’il n’avait jamais soutenu la violence — et avait cherché à se distancer de ses attaques meurtrières.

Après sa condamnation, la ministre belge des Affaires étrangères de l’époque, Sophie Wilmes, avait déclaré qu’«il faut conclure que M. Rusesabagina n’a pas bénéficié d’un procès juste et équitable».

L’année dernière, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a rencontré le président Kagame au Rwanda et a discuté de l’affaire. «Nous sommes toujours convaincus que le procès n’a pas été équitable », avait déclaré M. Blinken aux journalistes.