Le Parti démocrate progressiste, opposé à la Chine, remporte les élections à Taïwan

TAIPEI, Taïwan — Le candidat du parti au pouvoir, Lai Ching-te, est sorti vainqueur de l’élection présidentielle à Taïwan samedi et ses adversaires ont concédé leur défaite, un résultat qui déterminera la trajectoire des relations de la démocratie autonome avec la Chine au cours des quatre prochaines années.

La Chine avait qualifié le scrutin de choix entre la guerre et la paix. Pékin s’oppose fermement à M. Lai, l’actuel vice-président qui a abandonné sa carrière médicale pour se lancer en politique, de la base à la présidence. 

L’enjeu est la paix, la stabilité sociale et la prospérité sur l’île, située à 160 kilomètres au large des côtes chinoises, que Pékin revendique comme étant la sienne et qu’elle dit devoir reprendre par la force si nécessaire.

Alors que les questions intérieures telles que la stagnation de l’économie et le coût élevé du logement ont également figuré en bonne place dans la campagne, l’appel du Parti démocrate progressiste (DPP) de M. Lai à l’autodétermination, à la justice sociale et au rejet des menaces chinoises a fini par l’emporter. C’est la première fois qu’un seul parti dirige Taïwan pour trois mandats présidentiels consécutifs de quatre ans depuis les premières élections présidentielles ouvertes en 1996.

Lors d’une conférence de presse postélectorale, M. Lai a remercié l’électorat taïwanais d’avoir écrit un nouveau chapitre de la démocratie taïwanaise. «Nous avons montré au monde à quel point nous chérissons notre démocratie. C’est notre engagement inébranlable», a-t-il lancé.

Il a ajouté : «Taïwan continuera de marcher aux côtés des démocraties du monde entier… grâce à nos actions, le peuple taïwanais a résisté avec succès aux efforts des forces extérieures pour influencer cette élection».

M. Lai et la présidente sortante Tsai Ing-wen rejettent les revendications de souveraineté de la Chine sur Taïwan, une ancienne colonie japonaise séparée du continent chinois au milieu de la guerre civile en 1949. Ils ont cependant proposé de parler avec Pékin, qui a refusé à plusieurs reprises de tenir des pourparlers et qui les traitait de séparatistes.

Pékin aurait favorisé le candidat du parti nationaliste, également connu sous le nom de Kuomintang (KMT), plus favorable à la Chine. Son candidat, Hou Yu-ih, a également promis de relancer les négociations avec la Chine tout en renforçant la défense nationale. Il a promis de ne pas s’engager dans la voie d’unification des deux rives du détroit de Taïwan s’il était élu.

Dans son discours de concession, M. Hou s’est excusé de «ne pas avoir travaillé assez dur» pour reprendre le pouvoir au profit du KMT, qui a dirigé Taïwan sous la loi martiale pendant près de quatre décennies avant les réformes démocratiques des années 1980.

«J’ai laissé tomber tout le monde. Je suis ici pour exprimer mes plus sincères excuses, je suis désolé», a affirmé M. Hou devant un public dont le nombre était bien en deçà des attentes.

Un troisième candidat en lice, Ko Wen-je, du plus petit Parti populaire taïwanais (TPP), avait obtenu le soutien notamment des jeunes souhaitant une solution de rechange au KMT et au DPP, les partis d’opposition traditionnels de Taïwan, qui se sont largement relayés au pouvoir depuis les années 1990. M. Ko a également soutenu qu’il souhaitait parler avec Pékin et que son objectif ultime serait que Taïwan doit rester démocratique et libre.

Les États-Unis, qui sont tenus par leurs lois de fournir à Taïwan les armes nécessaires pour se défendre, ont promis leur soutien au gouvernement qui émergerait, renforcés par les projets de l’administration Biden d’envoyer une délégation non officielle composée d’anciens hauts fonctionnaires sur l’île peu après l’élection.

Outre les tensions chinoises, des questions nationales telles que la pénurie de logements abordables et la stagnation des salaires ont dominé la campagne.

Un choix «entre le communisme et la démocratie»

Pour Tony Chen, un retraité de 74 ans qui a voté à Taipei une heure avant la fermeture du scrutin, l’élection se résumait à un choix entre le communisme et la démocratie.

«J’espère que la démocratie gagnera», a-t-il dit. Il a ajouté que de plus en plus de Taïwanais étaient ouverts au modèle de gouvernance chinois d’il y a plusieurs décennies, lorsque l’économie chinoise connaissait une croissance annuelle à deux chiffres, mais qu’ils étaient repoussés par la répression des libertés civiles qui a eu lieu sous l’actuel président chinois Xi Jinping.

Stacy Chen, 43 ans, a indiqué qu’elle avait toujours voté pour le DPP parce que «Taïwan est un pays indépendant». Elle a dit qu’elle voulait que son fils grandisse dans un pays distinct de la Chine.

L’élection de Taïwan est considérée comme ayant «une influence réelle et durable sur le paysage géopolitique», a expliqué Gabrielle Reid, directrice associée du cabinet de conseil en renseignement mondial S-RM.

«Le résultat du vote déterminera en fin de compte la nature des liens avec la Chine par rapport à l’Occident et aura une forte influence sur la situation en mer de Chine méridionale», a-t-elle détaillé.

Les liens étroits avec l’allié clé des États-Unis se resserreront probablement encore davantage sous l’administration de M. Lai.

«La poursuite du DPP pour un troisième mandat signifiera que le réchauffement des relations entre les États-Unis et Taïwan que nous avons observé au cours des huit dernières années se poursuivra probablement au même rythme sous la prochaine administration de Lai Ching-te», a indiqué Wen-Ti Sung, membre de l’Atlantic Council, basé à Washington. 

Pékin est susceptible de déployer une «campagne de pression maximale» pour influencer la nouvelle administration sur des bases militaires, économiques et politiques, a affirmé M. Sung à l’Associated Press.