Une page d’histoire est tournée à St-Marc
Samedi 30 juin. Il est 18 h 40 et l’on entend les cloches de l’église St-Marc qui sonnent majestueusement. L’écho résonne aux quatre coins de Coaticook Nord. Les gens commencent à y faire leur entrée en prévision de la messe de 19 h. Une dernière messe. Une dernière à vie.
C’est sans trop d’enthousiasme que les citoyens de la paroisse St-Marc prennent place dans les bancs de l’église. Une église passablement bondée pour la circonstance.
Ceux-ci savent déjà depuis quelques semaines que l’église va fermer et qu’elle va éventuellement prendre une toute autre vocation (centre communautaire) dans les mois à venir. Une autre église qui ferme…Et pas la dernière à en croire ceux qui oeuvrent dans cette sphère.
Denis Marcoux, un vrai de vrai de la paroisse St-Marc est là avec son épouse Thérèse. Il n’en mène pas large. Baptisé, confirmé et marié à cette église, il aurait aimé boucler la boucle et y tenir ses funérailles à cet endroit le temps venu. Deux de ses fils (Bernard et Pierre) tenaient également à assister à cette page d’histoire.
D’autres paroissiens de longue date ont le visage long et les yeux rougis. Quand on a travaillé ardemment afin de maintenir la paroisse bien vivante, on ne peut qu’être triste au moment d’y mettre la clef dans la porte.
Véronique Bourgault (Carrier) de la grosse famille Carrier du Nord semblait jongleuse. Christiane Dion (Caron) de la grosse famille Caron du Nord devait sans doute avoir une pensée pour son père (Joseph) qui, à une certaine époque, se rendait à cette église tous les jours.
Rolande Salois avait une boule dans la gorge. Cécile Beaulieu et Éliette Dubé tentaient tant bien que mal de bien gérer cette tristesse. À 18 h 45, la chorale fait entendre son premier cantique. À 19 h, les Chevaliers de Colomb (4e degré) paradent dans les allées, suivis des curés Gilles Baril, Laurent Lapointe et Gilles Baril. «Cette célébration est davantage solennel qu’à l’habitude ce soir puisqu’il s’agit de la dernière célébration officielle à cette église», a reconnu d’entrée de jeu le curé Gilles Baril.
Dans son homélie, le curé Baril s’en est tenu à un texte rédigé, préférant ne pas improviser dans une telle circonstance. «Jean XXIII, a-t-il dit, nous rappelle que l’Église se doit de demeurer au service du monde (lire : de la société) et non l’inverse, c’est-à-dire que la mission de l’Église consiste à interpeller la société dans son agir collectif. Elle n’a plus à exercer tout le leadership de la vie communautaire dans les domaines sociaux et politiques, mais elle se doit de rappeler les valeurs de l’Évangile à ceux qui assument ces responsabilités au sein de la société.»
Plus tard, dans son allocution, Gilles Baril emprunte des propos similaires. «Jadis, le curé parlait et tout le monde se soumettait. À ceux qui osaient remettre en question, on répondait par des dictons lapidaires du genre : «Qui mange du curé en crève». Aujourd’hui, il se vit une pastorale de la bonté et de la bonne humeur, du témoignage et de l’authenticité. Chaque situation doit être traitée de façon individuelle.»
Puis, il a conclu avec un témoignage personnel, espérant ainsi semer de l’espoir chez les paroissiens. «En l’an 2000 à Asbestos, a-t-il raconté, on a fermé l’église de mon enfance dans laquelle j’ai été baptisé, confirmé, ordonné diacre et prêtre pour en faire un centre communautaire. J’ai trouvé ça dur. En 2002, j’y suis retourné pour la première fois, à l’occasion du 50e anniversaire de mariage de mes parents. J’étais assis au même endroit où 22 ans plus tôt j’étais pour mon ordination presbytérale. Cela m’a semé dans le cœur des sentiments ambivalents. Mais les murs n’ont pas tremblé et le plancher ne s’est pas effondré. J’ai alors compris qu’on ne peut pas empêcher les transformations de la vie.»
Il a poursuivi son témoignage en disant qu’il comprend et respecte les émotions des gens de St-Marc et qu’il sympathise avec eux. «Certains, a-t-il dit avec sincérité, ont mal à l’âme, je vous comprends, mais je ne peux pas vous enlever cette blessure du cœur. Par contre, je crois que la plus belle vocation qu’on peut donner à une église, c’est de lui permettre de demeurer au service de la communauté surtout si cette nouvelle vocation répond à la mission évangélique de la charité.»
Il fait ici bien sûr allusion à cette perspective selon laquelle l’église St-Marc pourrait abriter quelques-uns des services du Centre d’action bénévole.
Plus tard, au cours de la célébration, des paroissiens de St-Marc ont procédé à la remise d’offrandes symboliques. Ce fut le cas, entre autres, pour Joseph Nolin et son épouse qui ont procédé à la remise du livre des naissances et des mariages.
L’église est désormais fermée. Une page d’histoire est tournée.