Travailleur de rue, un véritable travail de «moine»

Son travail le mène aux quatre coins de la région. Que ce soit dans les ruelles et les parcs de Coaticook ou encore dans les plus petits villages de la Vallée, Jacques Boulerice est un pilier de la communauté. Ce travailleur de rue vient en aide aux âmes vagabondes du coin. Voici le portrait de celui que plusieurs surnomment le «moine de rue».

Définir une journée type d’un travailleur de rue relève de l’impossible. «Il n’y en a tout simplement pas, raconte celui qui sillonne la MRC de Coaticook depuis maintenant trois ans. Mon travail, je le définis comme la réduction des méfaits. Et ça, ça peut survenir à n’importe quel moment. Ce sont des situations auxquelles il faut apporter des solutions immédiates. Par exemple, il y en a certains qui me disent qu’ils n’ont pas encore mangé et il est tard, en soirée. Je peux être aussi appelé en plein cœur de nuit pour aller régler une dispute. Mon champ d’action est assez vaste.»

Les situations peuvent aussi dégénérer. Et ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un petit milieu qu’il faut baisser les yeux pour autant. «Les problèmes sont les mêmes, ici à Coaticook, que dans les plus grands centres, note celui dont le parcours de 16 ans dans le domaine l’a aussi mené à Longueuil. Des gens aux prises avec des problèmes de drogue et d’alcool, il y en a dans notre région. Même chose pour la sexualité. J’ai rencontré une ado qui m’a demandé quoi faire puisqu’elle était enceinte. Il n’y a pas des milliers d’options. Tu le gardes ou tu te fais avorter. Jamais je ne pourrai lui dicter quoi faire. Je vais la conseiller, la diriger. C’est un peu la même chose pour tous les cas.»

Dans une communauté où pratiquement tout le monde se connaît, le travailleur de rue peut avoir à garder de sombres secrets. C’est le cas lorsqu’il est question de violence conjugale. «Dans ce cas, il faut faire preuve de neutralité et d’équilibre. Ça m’est arrivé de tomber face-à-face avec le "chum" d’une femme, qui m’avait confié avoir été battue. Vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est difficile de faire la part des choses, surtout lorsqu’il vous salue et qu’il débute une conversation.»

Basées sur le volontariat et la confidentialité, toutes les interventions réalisées par le moine de rue se traduisent par de l’écoute positive et un accueil inconditionnel. Que ce soit avec des ados, des adultes ou encore les gens du troisième âge. «On pense souvent que ce ne sont que des jeunes avec qui je travaille, mais je brise souvent la solitude des personnes âgées», lance-t-il avec le sourire.

Syndrome de Dieu

Contrairement à bien des gens qui se lancent dans le travail de rue pour «sauver le monde», Jacques Boulerice affirme n’avoir jamais voulu exercer ce boulot étant plus jeune. «C’est plutôt le métier qui est venu me chercher. Le syndrome de Dieu, on est tous passé par là. On veut tous sauver le plus de gens. Mais, les histoires à succès, il y en a peu. Ce sont des petits combats, des petites victoires. Il y en a qui s’en sortent et il y en a qui rechutent. C’est comme ça la vie», philosophe-t-il.

En résumé, le moine de rue fait ce travail pour sa communauté, pour préserver une sorte de paix sociale.

Équilibre grâce à la famille et la musique

Partager toutes les douleurs et secrets de sa clientèle peut avoir des effets sur sa propre santé. Pour maintenir un équilibre, Jacques Boulerice peut compter sur sa famille et la musique.

Père de quatre enfants et bientôt grand-papa, l’homme de 41 ans trouve refuge chez les siens et dans une paire d’écouteurs. Proposez-lui d’écouter un tube de Ramstein et vous aurez un homme comblé. «J’aime tous les genres de musique. Le slam et le hip hop, j’adore, car c’est dénonciateur. Si j’avais une piste sonore de ma vie, ce serait celle de Bernard Adamus.»

Le moine de rue partage également son univers musical tous les mardis, grâce à l’émission radiophonique «Le 6e est dans valise», qu’on peut entendre sur les ondes du 96,7 FM.