L’Estrie peine à être plus productive

ESTRIE. La productivité au travail est en panne dans la région de l’Estrie. Entre 2002 et 2012, celle-ci a à peine bondi de 4 %, ce qui la place dans le dernier tiers des régions au Québec, révèle une étude obtenue en primeur par TC Media.

Qu’en est-il à Coaticook?

Selon l’enquête intitulée "Croissance de la productivité au Québec – Une perspective régionale", réalisée par le Centre de productivité et prospérité (CPP) des HEC Montréal, la productivité de l’Estrie atteignait 41,40 $ par heure travaillée en 2012, comparativement à 39,88 $ en 2002. Cette croissance est deux fois moins importante que celle enregistrée pour l’ensemble du Québec, évaluée en moyenne à 8 %.

Selon l’économiste en chef de Développement économique Canada pour les régions du Québec, Stéphane Pronovost, l’Estrie présente une économie diversifiée, ce qui la rend peut-être moins performante en termes de chiffres, mais plus résiliente en temps de crise.

Si cette région demeure réputée pour son tourisme, le secteur secondaire y est aussi bien représenté. On a qu’à penser à la fabrication de produits de plastique, de caoutchouc, de la transformation du bois, des pâtes et papiers.

Les investissements en immobilisations et réparations par travailleur, entre 2002 et 2012, s’élèvent à 2 802 734 $, ce qui place l’Estrie en 11e position sur les 17 régions du Québec.

Des solutions propres à chaque région

La nature du tissu industriel de chaque région influence les performances en matière de productivité. "C’est évident", lance le directeur du CCP, Robert Gagné. Celui-ci note un virage qui a transformé Sherbrooke, jadis reconnue comme étant une ville industrielle manufacturière. Celle-ci s’est depuis spécialisée dans les services.

"Sherbrooke est une ville universitaire. Ce n’est pas à négliger", souligne M. Pronovost. Parmi ses créneaux d’excellence : les sciences de la vie et l’environnement.

Or, en recherche et développement, le produit final n’a pas la même valeur commerciale, du moins dans le court-terme, que celui d’une entreprise manufacturière, fait valoir Michael Kamel, directeur principal, volet stratégie d’affaires chez PwC.

M. Pronovost parle également d’un pôle urbain dynamique, alors que les municipalités environnantes ne jouissent pas des mêmes opportunités. L’agriculture et l’élevage y occupent une place importante.

Même si les fermes font des gains de productivité, étant plus nombreuses à se mécaniser, le poids de cette industrie reste relativement négligeable. "On voit des fermes partout, mais elles n’ont pas un gros impact sur le PIB, explique le directeur du CPP, Robert Gagné.

Ainsi de 2002 à 2012, le poids de l’Estrie au sein du PIB du Québec a tout de même diminué, passant de 3,6 % à 3,2 %. Quant à la proportion des heures travaillées en Estrie, elle a subi le même sort, se chiffrant à 3,9 % en 2002 et 3,6 % en 2012.

Si le CPP tenait à étudier la productivité québécoise dans une perspective régionale, c’est qu’il est convaincu d’une chose , "soutenir une industrie à Montréal et en région, ce n’est pas la même chose. Ça prendrait des programmes plus adaptés à la réalité des régions du Québec. (…) Il faut miser sur des secteurs porteurs et laisser tomber le soutien public pour les autres. Présentement, on aide tout le monde avec des programmes généraux. C’est coûteux et on a peu d’impact", croit M. Gagné.

Certes, les investissements en machinerie et en équipement, la modernisation des méthodes de travail et la formation du personnel davantage qualifié font toujours partie des formules gagnantes.

"Je suis contente qu’on ait enfin une perspective régionale parce que ça interpelle tout le monde. (…) Pour nous, le nerf principal de cette guerre, c’est la hausse de la productivité au Québec surtout à un moment où on a une croissance démographique en déclin", conclut Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec.