Cet ébéniste de Coaticook crée des urnes funéraires en forme de camions

COATICOOK. Quand Marcel Filion dit qu’il peut tout faire dans sa petite usine de la route 141, à Coaticook, il ne ment pas. Après avoir assemblé d’innombrables portes et armoires, cet ébéniste lève le voile sur ses plus récentes créations, des urnes funéraires qui sortent de l’ordinaire.

Au premier regard, on pourrait penser que ces deux camions tout en bois sont des jouets. Or, il s’agit bel et bien d’objets à l’intérieur desquels on peut y déposer les cendres d’un être aimé. « Elles captent l’attention, n’est-ce pas?, lance fièrement le septuagénaire. J’ai participé au marché de Noël du Musée Beaulne et elles ont été très populaires. Il y en a même qui les ont comparées à des œuvres d’art. »

Au total, M. Filion a créé 14 de ces urnes. Ce travail de moine a nécessité près de six mois d’efforts, à raison de six jours par semaine. « C’est un défi en soi, avoue le principal intéressé. Ce qui est le plus difficile, c’est de modeler les plus petites parties de l’équipement, comme les miroirs, le volant et le réservoir à essence. Ça prend beaucoup de dextérité pour y arriver. »

Son passé chez Couillard Construction n’est pas étranger au fait qu’il ait adopté ces véhicules comme idée de départ. « J’ai travaillé presque 15 ans à titre d’opérateur. J’ai d’abord fait des miniatures. J’ai ensuite agrandi leurs proportions et c’est comme ça que j’ai créé mes urnes. Par exemple, pour le camion longue distance, c’est la cabine du camionneur qui accueille les cendres. Le gars va passer une bonne partie de sa vie dans son truck. Je trouvais que ce serait une belle image qu’il se repose éternellement à cet endroit qui était en quelque sorte sa deuxième maison. »

Il rêve que ses créations se retrouvent un peu partout au pays. Bien évidemment, les entreprises de camionnage seront sollicitées. Il a d’ailleurs obtenu un premier contrat avec un centre funéraire de la région de Coaticook. 

Sa créativité ne s’arrêtera pas là. « Je pense que tout peut être modifié pour en faire une urne. Quelqu’un qui aime les bateaux, je pourrais en faire un. Je pense que ça peut rendre moins tristes les personnes endeuillées de voir leur proche dans un objet à l’image de ce qu’il aimait. »

UN HANDICAP QUI NE L’ARRÊTE PAS

À l’âge d’un an et demi, Marcel Filion a été atteint de la tuberculose osseuse. Cette maladie infectieuse l’a lourdement impacté. « J’ai pas mal de difficulté à me déplacer, mais ça ne m’a jamais empêché de travailler ni de créer. D’ailleurs, l’atelier dans lequel on se trouve aujourd’hui, c’est moi qui l’a créé de toute pièce. »

Après son passage à titre d’opérateur, il met sur pied sa propre entreprise à la fin des années 1970. « J’ai toujours aimé fabriquer toutes sortes de choses de mes mains. C’est drôle parce que mon père n’était pas un bricoleur. J’avais ça en moi, faut croire. »

L’ébéniste dit n’avoir jamais manqué d’ouvrage. « On fait tout ici: la teinture le vernissage, le décapage. On fabrique aussi les meubles. Ma plus grande fierté, c’est d’avoir créé le set de cuisine et le set de chambre de mon fils. Il est ingénieur. Il est arrivé avec des patrons assez difficiles, mais une fois terminé, c’était de toute beauté. »

Malgré ses 70 ans bien sonnés, il compte encore travailler quelques années dans son atelier. « L’ouvrage ne m’a jamais fait peur. Et ça ne changera pas, même si je vieillis », dit-il avec un large sourire.