Une victime de violence conjugale se confie

COATICOOK. Ces derniers temps, Cléopâtre (nom fictif) a vécu l’enfer. Longtemps, elle a été prise dans la toile qu’a tissée autour d’elle son conjoint violent. Sortie aujourd’hui de ce cercle vicieux, cette mère souhaite partager son récit de peur, d’angoisse, mais aussi de courage et de résilience.

Dans sa démarche, Cléopâtre s’est fait accompagner par Amélie Beaulieu, une intervenante au Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) Agression Estrie.

«J’ai réussi à m’en sortir et je veux que d’autres femmes puissent faire pareil, lance Cléopâtre pour justifier sa sortie. Il y a une vague de féminicides au Québec depuis le début de l’année et il faut que ça cesse. Dans de telles conditions, il faut nommer les choses, même si ce n’est pas facile. Tendons-leur la main pour les accompagner.»

LE CERCLE VICIEUX DÉBUTE

Pour Cléopâtre, tout a commencé alors qu’elle était enceinte de son deuxième enfant. «J’ai été hospitalisée quelques mois. Durant tout ce temps, mon mari n’est venu me voir qu’une seule heure. Je lui demandais certaines choses, comme de nouveaux pyjamas ou encore des friandises, et il me répondait bêtement qu’il s’en « câlissait ». Les infirmières et les docteurs commençaient à se poser des questions et, de mon côté, je commençais à avoir peur, à avoir honte.»

Revenue à la maison, c’est là que la violence a débuté. «C’était psychologique au départ. Il me traitait de folle et me disait que je n’étais pas une bonne mère. Au fil de ses aventures, je n’existais même plus pour lui.»

«Après, les coups sont venus, poursuit-elle. On peut dire que c’était de la violence physique et sexuelle. C’est drôle, parce qu’à ce niveau [sexuel], tu ne penses pas vraiment que c’est de la violence, car, une relation comme ça, c’est supposé être normal pour deux personnes qui sont supposées s’aimer. Ç’a même dégénéré jusqu’aux menaces de mort. Il m’a dit que ce serait si facile de me tuer pour qu’il soit enfin débarrassé de moi.»

Ce sont les larmes à l’œil que Cléopâtre revit cette expérience pour le moins traumatisante. «J’étais en dépression solide. On se sent tellement seule quand ça nous arrive. Je n’ai même pas de mots pour décrire toute cette peur qui m’envahissait à l’époque. J’ai même eu des idées suicidaires. J’aurais tant aimé avoir le courage de raconter ce qui m’arrivait. Mais, j’avais peur de ne pas être crue. J’avais aussi peur du regard des autres. Malheureusement, la violence conjugale, c’est encore tabou.»

UN APPEL SALVATEUR

En consultant les pages du Progrès de Coaticook, Cléopâtre est tombée sous la rubrique de l’Agenda des activités et y a trouvé le numéro de téléphone de l’organisme Secours amitié. «J’étais rendue à un point où il fallait que je raconte mon expérience, et ce, même si ç’a pris du temps. Je me rappelle avoir appelé de nombreuses fois, puis de raccrocher tout aussi rapidement. Finalement, j’ai pris une bonne dose de courage et j’ai parlé.»

Selon elle, c’est cet appel qui lui a sauvé la vie. C’est par la suite qu’on l’a dirigée vers les ressources existantes comme le CALACS et L’Escale, deux organismes de la région de Sherbrooke.

«Là-bas, je me suis sentie en sécurité. Pouvoir nommer tout ce que j’ai subi m’a fait un grand bien. Je suis consciente que je ne suis plus la même femme. On m’a même remerciée d’avoir brisé le silence. Toutes ces personnes bienveillantes m’ont aidée et m’ont secourue. Je leur dois la vie.»

Aux femmes dans la même situation, Cléopâtre a un message pour elles. «Même si je suis une pure inconnue, je sais qu’elles ont besoin d’aide, qu’elles ont peur, qu’elles sont isolées et qu’elles ont honte. Osez briser le silence. Ces organismes et ces ressources nous reconstruisent et nous accompagnent dans toutes ces étapes.»