Un médicament de 700 000 $ inaccessible à Karl Belleville
COATICOOK. Lorsque Karl Belleville a reçu son diagnostic d’amyotrophie spinale de type 3 en 2011, les spécialistes de la santé ont dit à sa famille de s’accrocher à la recherche et d’espérer en la découverte d’un remède qui pourrait freiner la maladie. Aujourd’hui, cet espoir a un prix: plus de 700 000 $ pour une première année de traitements et quelque 400 000 $ pour les années subséquentes. Cet espoir a aussi un nom: le Spinraza. Homologué par Santé Canada en juillet dernier, le médicament n’a toutefois pas reçu l’aval de l’Institut d’excellence en santé et services sociaux (Inesss) du côté de Québec, ce qui fait que celui-ci ne se retrouve pas sur la liste de traitements admissibles à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). «Quand on a su qu’il avait été homologué au pays, on s’est vraiment enthousiasmé, raconte la mère de Karl, Manon Nadeau. On a tout de suite appelé son neurologue, qui nous a informés que Karl serait un excellent patient, car il est encore autonome, il marche et il travaille.» «Ce médicament ne pourrait pas le guérir, fait toutefois noter Mme Nadeau. Il ne fait que stopper l’évolution de la condition et redonne certaines forces à ses muscles qui sont atrophiés. Je participe à des forums de discussions et je suis entrée en contact avec des parents qui ont utilisé le Spinraza pour leurs enfants. Après quatre ou cinq injections, un petit qui ne se lève pas est maintenant capable de le faire. Je ne dis pas que c’est facile, mais il le fait. Ce médicament pourrait redonner la force à Karl et, ultimement, une qualité de vie. Ça pourrait le rendre autonome encore plus longtemps et l’éloigner de son fauteuil roulant.» La mère de Karl Belleville a tenté de faire changer les choses au niveau de la classe politique, mais sans succès. L’Iness invoque des raisons pharmaco-économiques. Traduction: le coût du médicament serait en cause. Seule éclaircie au tableau pour la famille de Karl, on approche d’une campagne électorale où, habituellement, les politiciens sont un peu plus à l’écoute. «Ils nous ont toujours demandé de croire en la recherche. Aujourd’hui, on propose une solution, mais on ne peut l’obtenir, même si je vendais tous mes actifs. Qu’est-ce que ça donne maintenant d’y croire? Je regarde mon fils dépérir, s’éteindre. En tant que mère, ça me démolit», livre-t-elle sur un ton rempli d’émotions. Une vie de plus en plus difficile Karl Belleville a aujourd’hui 23 ans. Selon les spécialistes, son amyotrophie spinale aurait pu se développer alors qu’il n’était âgé que de cinq ans. Sa condition n’a toutefois été diagnostiquée qu’à son adolescence. «J’avais beaucoup de difficulté en éducation physique, se souvient-il. De ce que je me rappelle, j’ai toujours monté les escaliers un à un. Plus ça allait, plus c’était difficile. Heureusement, lorsque j’ai eu mon diagnostic, ç’a m’a rendu la vie un peu plus facile.» Karl a quitté le nid familial depuis quelques mois déjà. Il demeure présentement aux Habitations Hestia, à l’intérieur d’un appartement adapté à ses besoins, le long de la rivière Coaticook. «C’était difficile de trouver un appartement sans escaliers, explique le jeune homme. Je suis très bien ici, mais, sincèrement, je rêve un jour d’avoir ma propre maison.» Il est bien conscient que ce rêve sera difficilement atteignable. «Je vois ma situation se détériorer. Je tombe de plus en plus souvent. Lorsque je quitte mon appartement pour me rendre à ma voiture, ça m’arrive. Je dois alors me traîner jusqu’à elle pour m’aider à me relever avec le siège. J’évite également d’aller à des endroits où il y a beaucoup d’escaliers, car je sais que je ne pourrai pas les grimper.» Malgré les obstacles, Karl a toujours su les surmonter. «J’étais cuisinier par le passé et, honnêtement, ce travail me manque, raconte celui qui œuvre dans le domaine des télécommunications. Dominic [Tremblay] a toujours cru en moi et j’ai eu la chance de travailler au Café Massawippi ainsi qu’au DT Bistro. J’ai des projets plein la tête en lien avec la cuisine, mais vu mon état, je les ai mis de côté. Si j’obtenais ce médicament et que ma santé prenait du mieux, j’aimerais bien raviver ces rêves», conclut celui qui a tout de même concocté une soupe à sa petite amie, qui devait revenir d’un rendez-vous chez le dentiste.