Suicides à La Frontalière: un retour sur la question était-il nécessaire?

En 1996-1997, une vague de suicides frappe de plein fouet l’école secondaire La Frontalière. L’émission «Tout le monde en parlait» a décortiqué le sujet, lors de son épisode du 14 mai dernier. Faire un retour sur la question, plus d’une quinzaine d’années plus tard, était-il nécessaire?

Sur les réseaux sociaux, les commentaires étaient plutôt partagés. «Je connais personnellement l’une des familles et elle a énormément souffert. Honnêtement, je ne pense pas que c’était nécessaire de remettre cette histoire sur le tapis 15 ans plus tard et faire souffrir à nouveau les familles concernées», a écrit une internaute. Même s’il croit que les médias ont surexposé l’affaire, un autre utilisateur a mentionné «qu’il ne faut pas finir d’en parler pour changer la société, afin de prévenir d’autres événements malheureux».

Pour plusieurs, la tragédie qui a frappé la communauté est encore très vive dans la mémoire des gens, et ce, même après tout ce temps. Interrogée dans le cadre du documentaire, la directrice générale de l’organisme de prévention du suicide JEVI, Louise Lévesque, a d’abord été réticente à participer au tournage. «Je n’étais pas très chaude à l’idée de revenir sur ces tristes événements, mentionne celle qui a été interrogée par Le Progrès au lendemain de la diffusion de l’émission sur les ondes de Radio-Canada. Ça demeure un sujet fragile et très délicat. On ne voulait pas non plus faire revivre des moments difficiles aux familles concernées. Avec ou sans notre participation, le projet allait tout de même aller de l’avant, alors on a décidé de s’y greffer.»

Ces temps-ci, on parle beaucoup de sensibilisation face au suicide. Cette émission en était-il une forme? Oui et non, croit Mme Lévesque. «C’en était un parce qu’on a véhiculé le numéro de notre ligne de ressource et qu’on a parlé du programme de postvention en milieu scolaire, comment gérer les situations après qu’un jeune se soit suicidé. Ç’a peut-être allumé certains établissements à revoir leur protocole ou à le rafraîchir. Au contraire, pour monsieur et madame tout le monde, cette émission n’avait pas nécessairement d’éléments pour les interpeller face à la prévention au suicide.»

Point de vue journalistique

La journaliste Annie Corriveau, qui a piloté les nombreuses entrevues de l’émission, croit au bien-fondé de son reportage. «Dans le contexte, il s’agit d’un événement d’intérêt public, même s’il est très privé. Ce phénomène de société mérite qu’on s’y attarde pour qu’il devienne de moins en moins tabou. Je suis très satisfaite du travail accompli puisque nous ne sommes pas tombés dans le sensationnalisme.»

N’empêche, Mme Corriveau a trouvé la cueillette d’informations difficile sur le plan émotionnel. «Il est impossible de demeurer insensible face à cette situation. Ç’a été très difficile d’entrer en contact avec les familles. Une seule d’entre elles nous a accordé une entrevue, mais tout le monde a été mis au courant de l’existence de l’émission.»

Quant au contenu de sensibilisation, la journaliste de Radio-Canada a animé une session de clavardage après la diffusion de l’émission ou de nombreuses informations ont été lancées.