Profession: bijoutier… à 90 ans
COATICOOK. À l’aube de ses 90 ans, Léonard Caron pourrait bien faire comme bien des retraités de son âge et profiter de la vie. Sa passion pour le métier de bijoutier l’amène cependant à se rendre au travail presqu’à tous les jours. Rencontre avec un homme pour qui les montres, les pendentifs ainsi que les horloges n’ont plus de secrets.
Qu’est-ce qui vous motive à travailler à votre âge? Cette question, Léonard Caron l’a entendue plus d’une fois. Mais, c’est avec un brin de fierté qu’il lui répond une fois de plus. «J’adore faire ce métier, lance-t-il. Pour moi, c’est une véritable passion. Le reste, ça vient tout seul. Et, je ne vais pas m’en cacher, ça passe mon temps voir les gens. Je m’ennuie beaucoup moins de cette façon-là.»
Ainsi, pratiquement tous les jours du mardi au samedi, M. Caron se rend à la Bijouterie Yvette, cette petite entreprise de la rue Main Ouest qu’il a fondée il y a de cela 60 ans. Autre raison qui l’amène à s’asseoir à son petit atelier: son métier d’horloger. «Ils se font de plus en plus rares, admet-il. Les gens se procurent de belles horloges, mais quand elles brisent, c’est difficile de trouver quelqu’un pour les réparer. Je suis très fier de pouvoir les remettre en marche.»
Justement, lors de notre passage, neuf horloges reposaient sur les tablettes, toutes prêtes à être réparées minutieusement par celui qui célébrera son 90e anniversaire en février prochain.
Bijoutier… dans les bois
Bien qu’il exerce ce métier depuis fort longtemps, Léonard Caron n’a pas toujours été bijoutier.
À la suite du décès de son père alors qu’il n’était âgé que de 16 ans, sa famille laisse tomber la ferme familiale pour une résidence dans le Bas-Saint-Laurent. Il a ensuite travaillé dans un magasin de meubles. Tout juste à côté de celui-ci se trouvait une bijouterie. Et c’est là que le rêve a commencé.
«Un jour, je vais être bijoutier, moi aussi», a-t-il rêvé. Après avoir suivi des cours par correspondance dans ce domaine, il opte plutôt pour le métier de bûcheron, fort plus «payant» à l’époque. Sauf qu’à son départ, il amène aussi sa petite mallette pleine d’outils et vient à réparer les montres de ses collègues. «Ce n’était pas évident partir une business dans l’temps», avoue-t-il. Le fin planificateur aura alors mis les bases de sa première entreprise.
Déménagé à Coaticook dans les années 1950, la toute première Bijouterie Yvette a eu pignon sur rue dans un petit immeuble de la rue Child. La famille Caron a alors utilisé une pièce pour y loger le commerce pendant une douzaine d’années. Ce dernier a ensuite trouvé place sur la rue Main Ouest, là où il est situé depuis maintenant 37 ans.
En plus d’être une bijouterie conventionnelle, l’endroit sert également de lieu de rassemblement pour bien des gens. «On vient s’y rencontrer pour parler de hockey ou de baseball, raconte la fille de Léonard, Sylvie. Il y a beaucoup de gens qui considèrent mon père comme leur deuxième père. Il y a cette ambiance familiale et réconfortante qui règne dans le commerce. Que ce soit pour dire un simple bonjour ou pour prendre des nouvelles de mon père, les gens sont toujours au rendez-vous.»
Sylvie Caron et Jean Fortin ont repris l’entreprise familiale en décembre 2014. «On a fait un choix de vie, racontent-ils. Un réel virage à 360 degrés.» Mme Caron œuvrait alors au gouvernement dans les ressources humaines, tandis que son conjoint travaillait dans une entreprise du monde de la finance. «Jean a suivi un cours privé pour connaître son nouveau métier. Il a été très chanceux, car il a bénéficié de la nouvelle technologie en plus de l’expérience de mon père.»
«Ce qui est beau dans tout ça, c’est aussi de voir mon père qui a encore soif d’apprendre. Cette passion pour son métier, il l’a encore», conclut Mme Caron.
Bien plus que des bijoux!
Le métier de bijoutier peut parfois réserver plusieurs surprises. Parlez-en à Léonard Caron, en affaires depuis maintenant une soixantaine d’années. Pour lui, cette profession va au-delà de la simple vente de bijoux.
Par exemple, à la veille de Noël, le bijoutier se souvient avoir accueilli un Américain aux prises avec un problème de lunettes. Les cliniques fermées, M. Caron a soudé et réparé ces montures. Il a également coupé une bague d’une maman enceinte qui avait oublié de l’enlever. «Son doigt était devenu bleu. Il l’a fait pour elle et le bébé, car il trouvait ça important», se remémore sa fille.
Et que dire de ce 24 décembre où il a reçu un appel d’un client qui a oublié son cadeau à la bijouterie. «Il y est allé même si on était en train de déballer nos cadeaux», mentionne Sylvie Caron.
Des histoires comme celles-là, la famille en a plusieurs. Assez pour écrire un livre! Chose qui leur est passée par la tête au cours des derniers mois.