Marchands de bonheur: aux fourneaux avec Luc Rodrigue

COATICOOK. S’il y a un endroit où Luc Rodrigue se sent bien, c’est en cuisine. Ces jours-ci, sa bonne humeur contagieuse se transmet jusqu’à la salle à manger de la résidence pour personnes âgées Le Manoir de chez nous, à Compton.

Aux dires du principal intéressé, cet état d’esprit, il l’a développé en 1976, alors qu’il étudiait à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) du côté de Montréal. « Le bonheur, pour moi, ça passe par une bonne tablée, lance-t-il. Je l’ai appris durant mes études. Oui, ça passe par la bouffe, mais ça passe aussi par les gens avec qui tu la partages. »

Durant ce même cours donné par le chef Augustin Roy, on lui avait fait une prédiction qui allait se réaliser. « Je me rappellerai toujours de cette conversation que j’ai eue avec lui. C’était après les Fêtes. Il m’avait dit que sur les 13 élèves qui était dans le groupe, j’allais être le seul qui allait traverser la tempête et demeurer dans le métier. Ç’a en effet été le cas. Ça fait 52 ans que je suis chef. »

Les résidents du Manoir de chez nous à Compton profitent aujourd’hui de ses talents de cuisinier. « Ça va tellement bien là-bas », raconte celui qui occupe ce poste depuis maintenant deux ans. « Disons que c’est aussi pas mal moins stressant que lorsque tu es à la barre d’un resto. Les menus sont déterminés aux cinq semaines, mais je me plais à les changer une fois de temps en temps. Par exemple, l’été, on fait des plats plus légers et l’hiver, c’est plus consistant. J’aime tellement ma job que j’me dis que j’aurais dû travailler là il y a dix ans », lance-t-il à la blague.

L’attention aux détails qu’il porte à ses plats lui mérite également de forts jolis compliments des résidents. « J’aime dire qu’on mange autant avec les yeux qu’avec nos papilles. Comme je suis un gars de restauration, j’adore mettre ma p’tite touche pour rendre ça beau. Parfois, ça peut simplement être fait en coupant des légumes différemment. Les résidents capotent. Ils se croient dans un restaurant. Et ici, tout est fait maison. Ce sont mes recettes. Je fais moi-même mes pâtes, mes gâteaux. Ma tarte au citron, je la fais avec de vrais citrons et pas avec un kit en poudre. »

Paraît-il qu’il ne faut pas que le chef s’absente trop longtemps non plus. « Quand je reviens, tout le monde est heureux. Ils disent tous qu’ils avaient hâte de me revoir. C’est ma paie, ça. »

DE BONS SOUVENIRS

Durant toute sa carrière, Luc Rodrigue a été chef cuisinier pour pas moins d’une trentaine d’établissements dans la région. On peut penser au Jack-O, à l’école secondaire La Frontalière ou encore lorsqu’il était boucher au Bonichoix, à Compton. Son passage le plus remarqué demeure toutefois du côté du Club de golf de Coaticook, où il aura été responsable des cuisines pendant 23 ans. « Ce sont tellement de bons souvenirs qui sont rattachés à mon temps là-bas. L’équipe en place était tellement extraordinaire. Il y avait Steven brown, ma fille Nathalie, Katia Dion, Marie-Christine Custeau et Mélanie Dassylva », énumère-t-il.

« On a connu une belle évolution aussi. Quand je suis rentré, on faisait à peu près une vingtaine de banquets par année. À notre plus haut, on en faisait 400. Ça, c’est plus qu’un par jour. En termes d’alcool, dans les bonnes années, on vendait 125 caisses de vin par année et plus de 900 caisses de 24 de bière. »

UNE FAMILLE TRÈS UNIE

La bonne humeur, la générosité et le sourire de Luc Rodrigue se transposent tous aussi dans sa vie familiale. Récemment, la maison de l’un de ses garçons, Yann, a été incendiée. Il ne s’est pas posé la question très longtemps à savoir s’il allait ouvrir les portes de sa résidence à son fils et sa famille. « Notre famille est très unie et j’ai grand cœur. Les accueillir chez moi, ça allait de soi. »

« Ç’a été un moment difficile, mais je pense que notre amour a fait en sorte qu’on s’en tire peut-être un peu plus facilement. »

La communauté a également été très généreuse envers la petite famille. Quelque 35 000 $ ont été amassés en quelques jours seulement dans le cadre d’une campagne de sociofinancement. « On ne pourrait pas être plus reconnaissant de ça. »

Âgé de 65 ans, M. Rodrigue se voit dans les fourneaux encore longtemps. « J’ai toujours le feu sacré. Et tant que j’aurai la santé, je vais rester. Je n’ai aucune autre affinité à part la cuisine. C’est ce que j’aime faire. »

Et si on veut faire plaisir à un cuisiner, où l’amène-t-on manger? « Dans une bonne brasserie. Je vais commander un filet mignon, saignant, avec des bonnes patates. Tu peux pas demander mieux », conclut-il.