L’Estrie est complètement foin!  

AGRICULTURE. Des montagnes à perte de vue, des vallons prêts à être semés, un sandwich à la main. J’ai laissé mon camion à l’entrée d’un champ, pas trop loin du chemin Cochrane, pour prendre une pause méritée dans une journée surchargée. Je m’assois cinq minutes sur ma tailgate et j’admire la vallée qui semble échapper à la possibilité de pluie. Un sentiment de satisfaction m’envahit; je suis particulièrement choyée de travailler dans un environnement aussi enchanteur. J’entame mon sandwich et j’observe la verdure prendre place, un champ à la fois. 

Il y a quelque chose de majestueux dans l’acte de mettre en terre une minuscule petite graine, à peine plus grosse qu’un grain de sable, et de la voir se pointer le bout du nez. C’est toujours une question d’angle; du chemin, le champ semble inerte, mais en s’aventurant dans la terre encore meuble, on peut apercevoir des embryons de rangs. Après une inspection rapide, on peut confirmer l’hypothèse : bien oui, c’est un tout petit plant de luzerne, accompagné de quelques poils d’une graminée encore trop petite pour être identifiée. Voilà la magie! D’une semence plus petite qu’un grain de poivre sort une petite feuille verte qui, malgré sa petite taille, m’impressionne chaque printemps. Que voulez-vous, j’aime ça le foin! Je le trouve beau sous toutes ses formes. Il me fait éternuer huit mois par année, mais mon amour est plus fort que mes allergies. 

Les champs de foin sont précieux, très précieux! Ils apportent tellement aux paysages, mais aussi à l’environnement. Gardant le sol bien couvert, les champs de foin ralentissent les eaux de pluie, ils limitent le lessivage dans les rivières et ils sont d’une très grande diversité. Ils représentent la niche écologique de plusieurs oiseaux champêtres, une abondance de fleurs à polliniser et une vie microbienne du sol augmentée. Les éléments fertilisants sont bien gérés et les pesticides sont très rarement utilisés. Sur la route, quelques ralentissements causés par les tracteurs sont un moindre mal pour tout le bien apporté par le foin. Chers citoyens, armez-vous de patience derrière l’impressionnante fourragère verte (ou ensileuse rouge, je ne veux pas partir de débat!) qui prend un peu trop de temps pour monter la côte à Ménard…

Plusieurs défis attendent l’agriculteur qui souhaite établir un champ de foin. Tout d’abord, la semence – coûteuse – pourrait être envahie de mauvaises herbes avant même qu’elle n’ait eu la chance de faire sa place. Les petites plantules pourraient aussi cuire lors des sècheresses de juillet ou être noyées par un bon surplus de pluie. Ensuite, le producteur pourrait aussi retrouver son champ raide mort le printemps venu parce que ses précieuses plantes fourragères se sont fait geler la couenne sous une couche de glace en janvier. Espérons que les cicadelles et les tipules (insectes nuisibles) ne s’en mêleront pas! Sur un ton plus optimiste, les champs de foin qui seront bien établis pourront être conservés de quatre à huit ans, avant que le champ ne soit détruit pour faire place à une autre rotation.  

Afin de faire ma part pour l’agriculture estrienne, je m’affaire à trouver des solutions ingénieuses pour améliorer les chances de succès des producteurs de l’Estrie dans leurs champs de foin. Mon poste de chargée de projet au sein du Centre d’initiatives en agriculture de la région de Coaticook (CIARC) me permet de mettre en place des activités, des projets et des opportunités d’apprentissage en lien avec les plantes fourragères pérennes et l’agriculture régénératrice. Les projets me donneront la possibilité de comparer des techniques de semis, de calculer des rotations de pâturages et d’essayer de nouvelles plantes fourragères.  

Je reprends la route avec fébrilité dans mon pickup, pour admirer la vue, certes, mais aussi pour propager ma passion. Et vous, en connaissez-vous, des passionnés de foin? Si vous partagez mon engouement, suivez-nous sur les réseaux sociaux. Il y aura certainement un projet ou une activité qui mènera à notre rencontre! 

Marie-Pier Landry,

Agronome chargée de projet pour le CIARC