Le mot d’ordre demeure «prudence» pour les artisans fromagers

LIBRE-ÉCHANGE. Le gouvernement canadien vante l’Accord économique et commercial global signé récemment avec l’Union européenne, mais les artisans fromagers demeurent prudents quant à cette entente.

À chaud, le copropriétaire de la fromagerie La Station de Compton, Simon-Pierre Bolduc, dit être déçu des tout premiers constats. «Il y aura beaucoup de compétition qui viendra de l’extérieur, surtout des fromages qui sont subventionnés et qui coûtent beaucoup moins chers à produire. Oui, on est supposé avoir des dédommagements, mais il faut cependant demeurer prudent et regarder l’évolution de ce marché au cours des prochains mois, des prochaines années», plaide-t-il.

Lors d’une récente entrevue, la députée et ministre du Développement international et de la Francophonie, Marie-Claude Bibeau, soulignait que cet accord allait ouvrir un tout nouveau marché pour les producteurs d’ici. Difficile cependant d’y adhérer, aux dires de M. Bolduc. «Le marché de l’exportation, ce n’est pas quelque chose qui fait fondamentalement partie de nos valeurs, souligne-t-il. Produire localement et consommer localement, voilà à ce qu’on croit. Il y a de quoi d’intéressant là-dedans. On parle du concept d’autonomie alimentaire. D’un autre côté, transporter la bouffe partout sur la planète, ça se fait, mais de façon étique, ça n’entre pas dans nos valeurs biologiques, locales, fermières et artisanes.»

«Les gens au Québec, ils sont fiers de leurs fromages, poursuit le copropriétaire de La Station. On souhaite poursuivre le développement de nos produits en lien avec le terroir. C’est ce que les gens consomment, alors je ne pense pas qu’ils vont modifier leurs habitudes de consommation du jour au lendemain non plus. Il faut cependant rester prudent.»

La Station ajoutera sa voix à celle de l’Association des fromagers artisans du Québec pour décrier l’entente.

Difficile de prévoir les impacts, avance la Laiterie de Coaticook

La prudence est aussi de mise du côté de la Laiterie de Coaticook. «Pour le moment, il est difficile de prévoir les impacts, avance le propriétaire de l’entreprise, Jean Provencher. Serait-ce toutefois possible d’octroyer les quotas d’importation aux entreprises qui seront les plus pénalisées dans toute cette histoire?»

Mis à part le cheddar vieilli de la Laiterie, qui ne correspond qu’à une infime partie de ses ventes, l’entreprise coaticookoise croit ne pas être trop touchée par l’accord. «En contrepartie, on peut saisir une opportunité, comme l’exportation de nos crèmes glacées, avec des parfums typiques d’ici, comme l’érable. On pourrait les acheminer vers l’Europe.»