La région perd son «moine» de rue

INTERVENTION. Les âmes vagabondes de la Vallée sont en deuil. Le «moine» de rue, qui leur venait en aide à tout moment du jour ou de la nuit, perdra son travail au cours des prochains jours.

Douleur. Tristesse. Colère. Amertume. Ces émotions traversent l’état d’esprit de Jacques Boulerice, qui a appris la mauvaise nouvelle des dirigeants de la MRC de Coaticook, le 2 mars dernier. «Au niveau personnel, c’est certain que la décision n’est pas facile à digérer. Mais, ce que je trouve le plus difficile dans tout ça, c’est que les décideurs mettent la hache dans le travail de rue à Coaticook. J’ai de la difficulté à expliquer comment on peut enlever un service, qui, à mes yeux, est super important.»

Son travail se fait peut-être dans l’ombre, mais ce «moine» de rue se dit fier de l’aide qu’il a apportée à tous ceux qui l’ont interpellé au cours des quatre dernières années. Au total, Jacques Boulerice faisait entre 700 et 900 interventions par année. Et c’est sans compter les innombrables discussions qu’il pouvait avoir, sans nécessairement les répertorier. Son champ d’action est assez vaste. «Je pouvais parler à des ados aux prises avec des problèmes de drogue, à des filles enceintes, à des adultes et même à des personnes plus âgées solitaires. Ce n’est pas parce qu’on est dans un petit milieu qu’on ne retrouve pas les problèmes des grands centres.»

Le principal intéressé dit craindre les prochaines semaines pour sa clientèle. «On élimine un lien direct, un lien confidentiel, une aide précieuse. Oui, ils pourront aller à l’accompagnement psychosocial au Centre de santé et de services sociaux de la MRC-de-Coaticook, mais ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise avec cet environnement. Notre région, c’est aussi des petites municipalités, un peu plus éloignées. Que vont faire les gens qui n’ont pas d’automobile pour se rendre à l’hôpital et ceux qui n’ont pas de famille?», se questionne M. Boulerice.

Rappelons que le «moine» de rue avait choisi la Vallée pour s’y installer après avoir décroché ce contrat de travail. «Au début, j’avoue, je cherchais les gens en difficulté. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les gens m’appellent, me réfèrent. Ils disent "avec Jack, tu n’as rien à craindre, il est cool, il va t’écouter et ne te jugera pas". J’étais tellement ancré dans ma communauté que les gens pensaient que je venais d’ici, alors qu’avant mon arrivée, Coaticook, ça se résumait à de la crème glacée.»

Jacques Boulerice espère qu’un jour, les élus reviendront sur leur décision et feront confiance à nouveau à un travailleur de rue. Quant à son avenir personnel, il avoue que ce sera difficile. «J’étais le travailleur de rue. Ça faisait partie de ma vie. J’aimerais bien rester ici, car, j’aime Coaticook foncièrement», conclut celui qui remercie du même coup tous ses partenaires, comme la MRC, le CSSS de la MRC-de-Coaticook, le Centre d’action bénévole, le Carrefour jeunesse emploi ainsi que la Maison des jeunes de Coaticook.