Incursion à l’urgence de l’hôpital de Coaticook

SANTÉ. Dans une journée passablement occupée, les spécialistes de la santé de l’urgence de l’hôpital de Coaticook peuvent voir plus d’une soixantaine de patients. On lève le voile sur tout le travail effectué par ceux que bien des gens ont baptisés « leurs anges gardiens ».   

Lors d’un quart de travail, on recense un médecin, cinq infirmières et une préposée. « On ne sait jamais à quoi ressemblera notre journée de travail, note la cheffe médicale à l’urgence, la docteure Caroline Gobeil. Le nom le dit, il s’agit d’une urgence. Les gens viennent ici sans rendez-vous. Ça peut être pour des problèmes de santé un peu plus légers, comme des ongles incarnés, ou pas mal plus graves. Certains patients qui arrivent ici d’eux-mêmes me surprendront. J’ai déjà vu des agriculteurs avec un p’tit sac de glace et leur doigt coupé dedans. Disons que cette clientèle-là est pas mal « tough ». 

Le nombre de patients arrivant en ambulance a également diminué dramatiquement au cours des dernières années. « Avant, on en comptait environ deux par jour. Aujourd’hui, c’est plutôt 2 ou 3 transports qui nous arrivent chaque mois. Ce qu’on voit, ce sont souvent des arrêts cardiorespiratoires et l’obstruction des voies supérieures », énumère Mme Gobeil.

Il faut comprendre que l’hôpital de Coaticook n’a pas un grand plateau de services, comparativement aux centres de Sherbrooke ou de Magog. « On peut quand même faire une différence lorsqu’il est question de survie d’un patient, explique la coordonnatrice des services des urgences au CIUSSS de l’Estrie – CHUS, Claudie Gagnon. Mais quand c’est un mal de tête, un mal de ventre ou une douleur dans la poitrine, mieux vaut se rendre à Sherbrooke. »  

Évoluer dans un plus petit centre hospitalier comporte aussi son lot de défis. « Quand on est le seul médecin sur place, on sait que tous les gens qui arrivent, c’est nous qui devons les voir. On y va donc un patient à la fois. C’est comme ça qu’il faut voir ça. On prend le temps qu’il faut avec chacun d’eux. Ce n’est pas parce que ça déborde qu’on va aller plus vite », explique la docteure Gobeil.

Il faut aussi travailler de façon efficace, mentionne la principale intéressée. « Je mise sur le travail d’équipe. Tout ça pour que les salles soient prêtes, que les patients soient installés et pour que la plaie à réparer soit déjà désinfectée et nettoyée. De cette façon, il y a moins d’interventions à faire par le médecin et on peut être plus efficace. » 

DIMINUTION DES HEURES

En poste depuis trois ans à l’urgence de Coaticook, la docteure Caroline Gobeil a connu la réalité d’une urgence ouverte 24 heures sur 24. L’an dernier, lorsque le CIUSSS de l’Estrie – CHUS a statué que l’établissement coaticookois ne serait ouvert que dix heures par jour, le changement a aussi amené certains impacts chez le personnel. « Il faut maintenant bien planifier la fermeture. Ça ajoute une certaine pression supplémentaire sur toute l’équipe. Il faut s’assurer que tout le monde ait bien été pris en charge. S’il y a des transferts à faire, l’équipe demeurera en place jusqu’à ce que les ambulanciers soient arrivés. »

« Même s’il arrive des gens à quelques minutes de la fermeture, on va quand même bien prendre soin d’eux », rajoute Mme Gobeil.   

« S’il y a toujours des patients avec nous à la fermeture, on va les réorienter à l’interne pour le lendemain ou faire le lien avec une autre urgence. On ne les abandonnera pas », rajoute Claudie Gagnon. 

Dès la mi-septembre, l’urgence de l’hôpital de Coaticook sera dorénavant ouverte de 8 h à 20 h, soit deux heures de plus que l’horaire présent. Un retour à une ouverture 24 heures sur 24 est-elle envisageable? « Ça prendrait le double de personnel pour assurer un tel service, souligne Mme Gagnon. Il manque de ressources humaines partout dans notre institution. On n’est pas différent du Tim Hortons. C’est la pyramide des âges qui s’inverse. Serait-on capable de rouvrir 24 heures dans de telles circonstances? Je ne pense pas. » 

Mme Gagnon note que la période d’ouverture actuelle est celle où il y avait le plus de gens rencontrés lorsque l’urgence était ouverte toute la journée et toute la nuit.

CONSULTEZ UN PROFESSIONNEL DE LA SANTÉ

« Quand on dit « consultez un professionnel de la santé », on associe souvent ça à un docteur, reconnaît la coordonnatrice des services des urgences au CIUSSS de l’Estrie – CHUS, Claudie Gagnon. Or, on peut penser aux infirmières du CLSC, aux pharmaciens. Ce sont tous des professionnels. Par exemple, dans le cas d’une infection urinaire, est-ce urgent? Pas vraiment, mais c’est réellement tannant, voire même fatiguant. Si tu en as eu une au cours des cinq dernières années, le pharmacien peut te dépanner et renouveler le médicament. Ce n’est jamais une mauvaise idée d’appeler le 811. »

N’en demeure pas moins que plusieurs des patients qui se rendent à l’urgence le font malheureusement par dépit. « On sait que pour plusieurs, c’est souvent le dernier recours parce qu’ils n’ont plus nulle part où aller, explique Mme Gagnon. Ils s’en remettent à l’urgence. Et on se sent toujours un peu mal quand on annonce que les urgences sont bondées et de les éviter. On est quand même là pour ça. Il y a un équilibre précaire à avoir. »

« Heureusement, on voit de l’espoir. Il y a une volonté tant politique que sur le terrain à travailler dans la bonne direction pour mieux diriger les gens et les amener au bon endroit », conclut-elle.