Casse-tête à l’immigration pour un couple français

DIXVILLE. Habiter au Canada et y fonder une famille. Voilà ce que souhaite un couple français, qui a jeté son dévolu sur Dixville. Malheureusement pour Lise Bender et son conjoint Mikael Rose-Misiak, ce rêve s’est rapidement transformé en cauchemar administratif, eux qui ne parviennent pas à présenter leur dossier pourtant complet au service d’immigration.

Cela fera bientôt un an que Lise et Mikael sont débarqués à Dixville. Leur décision de quitter Lorraine, cette région au nord-est de la France, a été mûrement réfléchie au printemps 2015. «On a fait ce choix parce qu’on se retrouvait au chômage, raconte Mme Bender, une diplômée du monde de la finance. Ç’aurait été très difficile se replacer dans notre domaine. On s’était fait promettre toute sorte de choses en raison du départ massif à la retraite de la génération du "papy boom". Malheureusement, il y a une crise et les personnes qui s’en vont à la retraite sont remplacées par des gens à l’interne. Il n’y a pratiquement plus d’embauches pour les jeunes travailleurs.» On comprend davantage la situation lorsqu’on sait que le taux de chômage se situe à 24 % chez les 18-25 ans ainsi qu’à 16 % pour les 25-35 ans.

Plutôt que de demeurer sans emploi et de livrer une «bataille monstre» pour occuper une situation stable et agréable, les Français ont opté pour un déménagement transatlantique. «On a regardé sur la carte du monde et ç’a été un coup de cœur pour le Canada ainsi que le Québec, se souvient Mme Bender. On a trouvé une petite maison chouette à Dixville et on a commencé à faire nos démarches pour l’immigration.»

Démarches qui n’auraient dû prendre que quelques mois, mais qui se sont allongées jusqu’à aujourd’hui. «Ça fait un an et demi que notre dossier est complet, mais on n’arrive pas à le présenter», peste-t-elle.

Après avoir présenté leur candidature via un dossier papier à l’été 2015, on leur a dit que la démarche se faisait dorénavant sur le web. «Il a alors fallu attendre jusqu’en janvier [2016] pour postuler une première fois, note celle qui était maintenant déménagée à Dixville avec son conjoint, sous un visa de touristes. Or, un bogue informatique ne nous a permis de le faire et la date de mise en candidature a été reportée en juin. On s’est reconnecté à cette date, on a attendu notre tour, puis on s’est fait dire que les 5000 dossiers étaient atteints. Au final, on était plus de 200 000. Le quota pour l’année déjà atteint, il faut maintenant attendre à l’an prochain pour appliquer.»

Petit hic puisque leur visa touristique prend fin le 31 octobre prochain. Vu ces délais, les Français ont décidé d’appeler le maire de Dixville, Martin Saindon, ainsi que le député de Saint-François, Guy Hardy, pour obtenir de l’aide. «J’apprécie l’aide, mais la seule solution qu’on nous a offerte était d’attendre l’an prochain ou de trouver une entreprise prête à nous embaucher et faire les démarches auprès de l’immigration. Mon conjoint avait trouvé un boulot, mais lorsque l’entreprise a trouvé les démarches trop compliquées et onéreuses [1400 $ pour le dossier, dit-on], ils ont laissé tomber. Et ç’a été la même chose pour moi, j’ai passé un entretien et j’aurais pu avoir l’emploi, mais les gens ne veulent pas faire ces démarches. C’est réellement frustrant.»

En plus de ne pas pouvoir occuper un emploi, le visa leur interdit de faire du bénévolat. «Bref, on a le droit de ne rien faire, image notre cousine, l’air découragé. On s’occupe et on fait des travaux à notre résidence. Et on se dit au bonheur la chance, en janvier prochain pour nos prochaines démarches.»

Un retour en France pourrait être possible, mais ce ne sera pas pour longtemps, promet Lise. «Là-bas, il y a des attentats. On l’oublie parfois, mais ça arrive malheureusement trop souvent. La situation est grave. Je m’entretenais avec une de mes amies dernièrement et elle m’a raconté que dans les écoles, il y a des petits qui se poignardent entre eux. La France est devenue un pays agressé et agressif. Je n’ai plus envie d’y vivre. Ce n’est pas un environnement dans lequel je veux vivre, élever une famille ou bien éduquer des enfants.»

Le maire Saindon en renfort

Le maire de Dixville, Martin Saindon, prête main-forte au couple français afin de les accueillir comme citoyens canadiens une bonne fois pour toutes.

«Ce qui me choque dans toute cette histoire, c’est qu’on a une excellente candidature et qu’on refuse de les accueillir. Je ne veux pas les voir partir. Ce sont des gens déjà bien implantés, avec leur réseau d’amis et ils s’intéressent à Dixville. Je ne peux pas demeurer les bras croisés.»

M. Saindon salue le courage du couple. «Je les trouve extraordinaires de s’impliquer autant dans leur communauté et j’espère que les démarches que nous effectuons porteront fruits», conclut le premier magistrat.