L’inquiétude gagne du terrain chez les producteurs laitiers de la région de Coaticook

AGRICULTURE. La nouvelle entente États-Unis – Mexique – Canada crée son lot d’incertitudes chez les agriculteurs de la région. Leur représentant, le président de l’Union des producteurs agricoles de Coaticook, Philipp Stirnimann, ne mâche pas ses mots envers le gouvernement qui a approuvé cette brèche de tout près de 3,6 %, où des produits laitiers américains pourront envahir le marché canadien. «Il n’y a pas une once d’optimisme dans ce qu’on nous a présenté, pas même les possibles compensations, peste l’agriculteur. Pratiquement tout le monde est inquiet. Notre moral est pas mal à plat.» «Si on voit de plus en plus de produits américains sur nos tablettes, ce sera difficile pour notre économie. Avec l’abolition de la classe 7 [dans le jargon, cela permettait d’abaisser le prix du lait diafiltré au pays afin d’inciter les transformateurs et producteurs de choisir un produit canadien], qu’on a défendue pendant deux ans de négociations, le gouvernement vient s’ingérer dans nos affaires et ça chatouille les producteurs. Ce n’est pas nécessairement à eux de venir gérer notre marché», rajoute M. Stirnimann. La morosité installée, certains ont-ils déjà jeté la serviette? «Ça vient rajouter un sentiment d’insécurité, souligne le président de l’UPA Coaticook. Quelqu’un qui n’a pas trop de relève ou qui est un peu moins dynamique, ça peut l’inciter à vendre. Et ça, c’est dangereux. S’il ne trouve personne et qu’il ferme ses portes, une entreprise du genre, ce n’est pas vrai qu’un an ou deux après, elle va repartir si le climat est mieux. Ses portes demeureront closes.» Appel à la mobilisation Pour contrer l’entrée de produits américains sur les tablettes, les producteurs laitiers de la région invitent les consommateurs à faire des choix judicieux. «Il faut encourager les productions locales, québécoises et canadiennes. Encore faut-il que l’étiquetage soit approprié, car, même pour nous, il est difficile de se retrouver», avance M. Stirnimann. «Une autre chose qui m’agace, c’est que le stock qui va rentrer ici ne correspond pas aux mêmes normes environnementales ou de production que celles du Canada. On donne des hormones de croissance aux vaches là-bas. Bien qu’on ne puisse pas démontrer que ça peut déranger de consommer du lait de ces animaux, ces mêmes vaches ont une durée de vie beaucoup moins longue que les nôtres. Finalement, si tu veux faire rentrer tes produits, il me semble que ce serait normal que leurs normes soient égales ou supérieures aux nôtres. Ça se fait du côté de l’Europe, alors pourquoi pas ici?», se questionne Philipp Stirnimann. Compensations à venir Le président de l’Union des producteurs agricoles de Coaticook a bien hâte de voir à quoi ressemblera le programme de compensations offerts aux producteurs du pays. «S’il ressemble à celui qu’on a eu pour l’entente avec l’Europe l’an dernier, je pèserais sur le bouton panique assez rapidement.» «De celui-là, j’ai eu un gros 0 $, comme plusieurs de mes collègues. Je trouvais ce programme antidémocratique, car il était rattaché à plein de contraintes, notamment au niveau du développement. Ce n’est pas tout le monde qui peut investir des centaines de milliers de dollars pour obtenir ce financement. Il me semble qu’il serait plus facile de verser un certain montant par rapport au quota. Et aussi, pourrait-on le faire à un moment plus favorable. La dernière fois, c’était en août, en plein dans les récoltes. Mon comptable n’a même pas eu le temps de se revirer de bord pour remplir les papiers. Ç’a été fait un peu tout croche.»